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DELIRIUM
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10 mars 2008

lézards divinatoires

                                          « Lézards  divinatoires »


« Quand Uranus s’irrite, le Mercure grimpe ! »
   E. Fessier, voyante un peu myope.

« Cette fois, je m’éclipse ! »
                     P. Rabane, princesse égyptienne

« Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. »
(Je ne sais plus qui)



J’ai lu récemment, dans un  sondage, que 4 français sur 2 lisaient leur horoscope lorsqu’ils feuilletaient le journal. 4 sur 2, c’est quand même énorme, non ? Cela fait le double de la population, est-ce bien raisonnable, lecteur concerné ? C’est vrai que je me méfie des sondages, ils peuvent parfois prêter  à confusion, et surtout les réponses peuvent parfois être différentes selon la façon dont le sondeur s’y prend pour s’enquérir de l’opinion inestimable des sondés en profondeur, et selon la formulation de la question.
       Prenons un exemple : la grande interrogation qui hante les esprits humains depuis la nuit des temps et qui fait encore passer des nuits blanches à tous les grands penseurs : «Etes-vous favorable à l’ajout de vermicelle dans le bœuf bourguignon ? ». Il s’agit d’une colle qui, encore de nos jours, fait tourner les têtes des plus grandes sommités. Ecoutons l’avis du plus grand spécialiste culinaire de la planète, l’inventeur de la fondue éthiopienne à la sauce provençale: Sam Hijote. Sa réponse reste évasive et témoigne de l’imbroglio gastronomique inextricable que suscite une telle interrogation, si importante pour la survie de l’humanité, du moins celle qui a de quoi manger, les autres s’en foutent, quand ils ont le vermicelle, il leur manque le bœuf et vice versa. Lorsque la question lui est posée, le grand chef des fourneaux réfléchit  longuement en se grattant le front ou les couilles, si la question lui est posée au saut du lit :
        « J’sais pas, ça dépend du bœuf. » Interrogeons alors le bœuf :
        « M’en fout, pour moi ça change rien, il n’y a que Maille qui m’aille », surtout si le bovidé a Phildar pour doux sobriquet. On n'est pas plus avancé. L’ultime solution est d’interroger le peuple, sous la forme d’un sondage :
         « Etes-vous favorable à l’ajout de vermicelle dans le bœuf bourguignon ? ». 20% répondent « oui », 70% : « non », 10% de cons répondent « je ne mange que du poisson » et 10% de très cons répondent « je préfère l’estragon ». Ça fait 110%, merci de me le signaler, lecteur attentif, mais tout augmente, non ? Les sondeurs, pas plus avancés, et fin psychologues, entre deux cuites à la Jupiler, vont user d’un stratagème et reformuler la question de manière à scinder les sondés en deux catégories :
         « Faites-vous partie des 70% de français qui sont pour l’ajout de vermicelle dans le bœuf bourguignon ? ».
Le sondé a alors deux choix : soit il veut faire partie de la majorité, suivre le troupeau histoire de ne pas se faire remarquer, et répond « oui », ou il a l’esprit contrariant et anarchiste et  répond:
    « non, et nous vaincrons la majorité qui broie les minorités dans une main de fer, mais que nous recouvrirons d’un gant de velours et écraserons à notre tour, lorsque les minorités seront devenues majoritaires, on va pas se laisser emmerder par du vermicelle, quoi merde ! ».
  Le tout sur un ton rageur, en brandissant le poing vers le ciel ou dans la gueule du sondeur, si le sondé est très énervé, ou ivre, ou les deux à la fois, c’est à dire s’il est jeune. Restent les 10% de connards qui continuent à bouffer du poisson, mais on les emmerde. Mais oublions les bovins comestibles  pour revenir aux ovins, c’est à dire à nos moutons : 4 personnes sur deux qui lisent leur horoscope, si c’est pas une majorité écrasante, ça ! Même ceux qui ne mangent que du poisson ou préfèrent l’estragon. Vous n’avez pas honte ? C’est pas grave, j’ai honte pour vous.
           IL y a des coups de pied occultes qui se perdent. Quand j’entends les  divagations éthyliques des voyants, astrologues, et autres accrocs du billet de banque, bref, arnaqueurs en tout genre, j’ai la chaussure droite qui me démange et même parfois la gauche, c’est te dire, lecteur crédule. Quoique je les comprends, les marchands de magie : vendre du rêve, surtout à ce prix là est une activité très lucrative. Et 30E pour Mme Irma, et 40 pour Mme Soleil, et 50 pour Mr Mars, et ça repart !
    Le public est très friand de ce genre de salade, surtout si elle est assaisonnée de bonheur facile, de gains hippiques, de retour de Fernande après rupture ( quand j’y pense !) et de jeunesse éternelle, autant de sornettes qu’ils agitent sous le groin difforme des ânes abonnés aux arts divinatoires. Car c’est un art que de faire sortir 50E du porte-feuille ultra  blindé d’un chef d’entreprise qui la veille a refusé l’augmentation de 0,50cts que lui requérait, avec une outrecuidance rare, le balayeur Affro-Cédar de son usine.
         On atteint un haut degré de perversité lorsque les puissants industriels ont recours aux services de « morphopsychologues » diplômés, vus à la télé, pour recruter leurs personnels. Pour la modique somme de 400E  par séance, ils expliquent au malheureux postulant, qu’il ne pourra pas accéder au poste de tourneur-fraiseur-trentecinqueur parce qu’il a un nez tordu, un lobe d’oreille trop pendant ou un doigt de pied trop grand. Le pauvre bougre mal foutu n’aura plus qu’à se faire aligner la cloison nasale, redresser le lobe ou raccourcir l’orteil, s’il ne veut pas passer le reste de sa vie entre l’Assedic et les stages de reconversion à pas grand chose.
          Le morphopsychologue le plus célèbre fut Hitler, qui refusa avec une obstination farouche, l’entrée à son gouvernement à quiconque avait le nez et les doigts crochus. A l’époque ses idées faisaient fureur et sont, de nos jours, encore très prisées par certains partis d’extrême-cons.
    Il y a, néanmoins un morphopsychologue qui sommeille en chacun de nous, juste à côté du cochon. Même chez toi, lecteur hideux. Lorsque tu croises un quadragénaire au regard quelconque inexpressif et au visage bouffi et rubicond à force de gargarismes au Préfontaine, ne penses-tu pas aussitôt : « Il a une belle tête de con! » ? Ou lorsque tu suis, en admirant hypnotiquement dans la rue, le superbe cul trémoussant d’une superbe conne, ne penses-tu pas : « Ah ! la salope ! » ?
A la lumière de ces exemples frappants, tu peux constater de toi-même  que nous sommes tous en mesure de deviner certains traits de caractère de nos contemporains uniquement à la vision de deux joues fessues, pour le premier exemple, ou de deux fesses joufflues pour le deuxième. Moi-même, la première fois que je vis Boris Eltsine à la télé, je ne pus m’empêcher de penser qu’il avait mis de la vodka dans son moteur.
        Il m’est arrivé de consulter un voyant, poussé par la curiosité qui l’avait emportée sur la raison, qui me fit des révélations surprenantes. Dès mon entrée dans son cabinet de consultation ( c’est comme ça que ça s’appelle, mais si les sorciers se prennent pour des médecins, où est-ce qu’on va, hein ? ) dès qu’il me vit entrer disais-je, il me dit d’un ton d’outre-tombe :
« Vous êtes un homme ! », ce qui m’a beaucoup surpris.
« Vous êtes âgé de 20 à 40 ans et vous êtes myope ! ».
Il est vrai que j’avais oublié d’ôter mes lunettes. A propos de lunettes, je remarquai que son appendice nasal en était chaussé. De véritables lunettes de bigleux, avec des culs de bouteille d’une épaisseur inversement proportionnelle à l’intelligence observée dans le regard hébété par le pastis, de certains fonctionnaires de police en exercice. Il était aussi myope qu’un électeur moyen. Cela me parut suspect pour un voyant. Je notai également la pâleur de son visage, une belle couleur cadavre et que son haleine rappelait le fumet délicat d’une fosse sceptique d’un gettho des faubourgs de Rio.
Etant d’un naturel méfiant, surtout quand ça concerne le faux mage blanc pas frais, je m’interrogeais à propos des conneries prophétiques qu’il allait me sortir et le branchais sur mon avenir d’un ton sarcastique. Après 5 mn de transe orgasmique, il me déclara, sûr de lui :
« Vous allez me donner 30E ! ».
La prophétie était juste et je lui refilai à contre cœur . Il se lança alors dans un charabia aussi inaudible qu’une conversation qu’aurait eu Gainsbourg avec Françoise Sagan. Là où il s’est mis le doigt dans l’œil jusqu’au genoux, l’extra pas très lucide, c’est quand il a prédit qu’il allait me revoir. Il devait avoir de la buée sur ces lunettes, à ce moment là. Quitte à perdre 30E, je préfère aller consulter les jolies voyantes un peu dénudées de la rue St Denis. Au moins quand elles me prédisent 10 mn de bonheur, ce ne sont pas des paroles en l’air, surtout dans les périodes de pénuries copulatoires avec les femelles de mon espèce.
    Une collègue de travail, grande blondasse hyper moderne, experte en conneries télévisuelles, bulletin météorologique, horoscope, astrologie et plus si affinité, a insisté pour établir mon thème astral. J’ai été ravi d’apprendre que j’avais le Saturne dans le Neptune, le Mercure dans la Lune et la Vénus dans le Milo. Le tout par rapport à un plan équatorial et elliptique, équidistant de l’axe  Lille-Syrius en passant par Mantes-la-jolie, la première à gauche au feu rouge et puis tout droit, tu peux pas te tromper. Elle m’annonça qu’avec un tel thème, je ne pourrais jamais postuler au poste de petit rat à l’opéra de Paris. J’en fus contrit.
    Le succès de ces charlatans est considérable. Tous les ans, dans un centre commercial situé près de chez moi, une semaine de la voyance est organisée. Là, une horde de pompeurs de pognon, d’astro-vampires, prêts à sucer jusqu’au dernier centime le porte monnaie de leurs crédules victimes, investit la galerie marchande du centre commercial, guettant leur  prochaine proie, telles de hideuses et velues tégénaires affamées.
Ils s’installent dans des box aux décors surréalistes, tapissés de coupures de journaux vantant leurs exploits divinatoires, médaillés de la Croix Vécé, diplômés de l’université de Jarnac, primés au grand concours de Sir Con Stance, guérisseurs       de blennorragies pontificales et bien évidemment vus à la télé en compagnie des plus grands crétins cathodiques. Leur clientèle, presque exclusivement féminine, ce qui démontre, si besoin est, que nos femelles ont encore du chemin à faire pour parvenir à notre stade d’évolution, leur clientèle, disais-je, avant de me faire des amies chez les féministes (je vous adresse de gros et tendres bisous sur vos mignons clitos  incandescents, mes chéries), queuleuleute devant les box. L’anxiété se lit sur les visages crispés par l’attente de l’annonce espérée de quelque bonheur hypothétique, pour le prix d’un dîner chez « Castel ». Ces mêmes braves gens, rassurés sur leur avenir de conte de fée, fustigeront du regard le SDF qui « avotreboncoeurm’sieurdames » à la sortie du centre commercial.
  On se souviendra que le changement de millénaire a été très bénéfique pour les vendeurs d’apocalypse. J’ai même été tenté de construire un abri anti atomique dans mon jardin, mais j’habite en appartement. J’ai donc prié tous les saints   pour que le ciel ne me tombe pas sur le coin de la gueule le 1er janvier à 0h00.
Finalement tout s’est bien passé, sauf que j’ai forcé sur la vodka et tout dégueulé sur le beau tapis de Tante  Gudule mais ça reste anecdotique par rapport à tout ce qu’avaient annoncé les prédicateurs de mauvaise augure.
  L’éclipse solaire  du 11aout également fut très prisée par les prêcheurs de catastrophe, notamment par  ce marchand de chiffons illuminé, bête au point qu’il ressent un grand sentiment de fraternité lorsqu’il entend prononcer le mot « âne ». Cet expert en divagation éthylique interpréta à sa manière un dessin mural découvert dans une grotte. Ce dessin expliquait, d’après ce sous débris de l’humanité, que le 11 août Paris serait détruit par la chute inopinée d’une dose de Mir. Elle est pas belle celle-là ? Le tout accompagné de la sortie d’un livre et d’apparitions aussi promotionnelles que télévisuelles. Evidemment, rien de tout ça n’arriva, et pas con, le Rabane nous expliqua qu’il s’agissait d’une erreur d’interprétation du dessin de la grotte occulte. Note que son magasin parisien était quand même resté ouvert le 11 août, il n’allait  pas perdre une journée de chiffre d’affaire, même le jour de l’apocalypse, tu penses !
    Je le préférais en princesse égyptienne, il nous les cassait moins.
  Quant aux amateurs de prophéties en tout genre, au lieu de dépenser votre RMI chez des incompétents, envoyez –moi vos chèques, je vous ferais des prédictions pleines de bonheur éternel, c’est promis, juré, craché .
    Je terminerais ce chapitre édifiant par une petite mise au point sur l’astrologie (je l’écris en petit, sinon je vomis !). Un peu de culture scientifique ne peut pas te faire de mal, lecteur constipé.
Les bases de cette science des ânes ont été établies il y a 2000 ans, à une époque où les hommes pensaient légitimement que le monde était gouverné par des forces z’occultes, z’étranges z’et z’obscures . La science a depuis évoluée, pas l’astrologie, qui fait figure aujourd’hui de fossile de l’esprit. Les astrologues (ça y est j’ai vomi !) n’ont jamais tenu compte de la précession des équinoxes, qui a fait dévier les constellations d’environ une constellation depuis la conception des signes z’astrologiques (ça me reprend !). Ainsi, le soleil avait beau être dans la constellation du Scorpion le jour de ta naissance, lecteur attentif, pour les astrocons, tu seras quand même du signe du Saggitaire. Pense z’y  quand tu liras ton horoscope.
Quant à l’influence gravitationnelle, il est facile de démontrer que la force de gravité du médecin accoucheur sur le nouveau-né est plus importante que celle de Mars. (Source : Marc Séguin et Benoît Villeneuve dans « Astronomie et Astrophysique)
Croire en l’astromachin équivaut de croire, à notre époque, que la terre est plate ou que le « juste prix » ( j’ai encore vomi) est une émission culturelle. Il ne tient qu’à toi d’inverser les sondages.

   

Tout cela te démontre, lecteur hébété, combien il est aisé de manipuler les masses et que si on ne peut pas tout savoir, il est quand même important de ne pas mourir idiot, ne serait-ce que pour te présenter devant notre Saigneur avec un minimum de culture, ça lui fera plaisir de savoir que t’as pas perdu ton temps sur terre. Mais revenons à la masse, si compacte, comme les pingouins sur la banquise, bien serrée comprimée, comme pour bien se réchauffer au doux foyer de la bêtise conditionnée….

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