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DELIRIUM

DELIRIUM
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7 juin 2008

prix de la francophonie "Alain Decaux"

La Fondation de Lille organise la 4eme édition du prix littéraire Alain Decaux de la Francophonie. Il s'agit d'écrire  une nouvelle originale de 20 pages max. Le bulletin d'inscription est téléchargeable sur le site de La Fondation de Lille  http://www.fondationdelille.org/ 
à vos plumes!

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20 mars 2008

FIN

                                                      «Fin» (très noire)
                  


                     (Hé oui! c'est la fin de Delirium. Il en faut bien une. Je signale au lecteur sporadique que si il n'a pas lu le début, il aura du mal à comprendre la fin. En fait ce blog se lit comme un livre, il faut commencer par le début, et tout s'enchaine.
Peut être un nouveau blog avec un roman de sciences-friction érotico-humoristique dont le titre sera "Les Pudépieds". Mais cela dépendra de la faculté que j'aurais à combattre l'inexorable paresse qui m' habite (en un mot!);
Merci à tout ceux qui m'ont lu ) Bon j'en était où? ah oui la fin...

             C’est vrai que l’homme de pouvoir est seul. Est-ce une si mauvaise chose, finalement ? Pourquoi la solitude est-elle montrée du doigt, comme une maladie honteuse ? Il m’est très souvent arrivé de me sentir seul en compagnie des autres. Surtout, en compagnie des autres ! De plus j’ai encore restreint le cercle de mes relations. A cause d’une banale histoire d’amour. En était-ce une finalement ?
Elle n’était pas très jolie, plutôt gentille, du moins le pensais-je. J’ai eu un coup de cœur pour elle, le genre de sentiment qui apparaît à force de fréquentations, qui se bâtit au fil du temps, lentement, jour après jour. Un amour par habitude, en somme. Alors je me suis lancé. Je lui ai griffonné  ces quelques lignes :

« Les arcs-en-ciel te jalousent, eux à qui il faut 5 couleurs pour me séduire, alors que seule celle de ton regard suffit à m’ensorceler.»
C’était plutôt gentil, non ?

Non seulement ça n’a pas plu à ma gentille, mais en plus ça a provoqué un scandale à côté duquel le Watergate passerait pour une querelle de clocher. Il est troublant de constater qu’une déclaration d’amour occasionne presque autant de remous qu’une déclaration de guerre. « Je t’aime »  provoque parfois plus de dommages que « Je te hais » !
Monde étrange ! Aimez-vous les uns les autres, mon cul ! Haïssez-vous les uns les autres c’est plus facile, plus reposant. L’amour demande plus d’énergie, de volonté, d’abnégation, de dévouement  que la haine, qui elle, vient naturellement, sans s’obliger. La haine est innée chez l’humain, alors que l’amour s’apprend au fil du temps, se travaille, se façonne, c’est le fruit d’années d’effort, d’altruisme, de concessions, de sacrifices et de sacrifesses.

    Je l’ai trouvé moins belle, et surtout moins gentille, ma promise. Finalement, on n’aime que l’idée qu’on se fait de l’autre, la perception de son image, illusoirement embellie pour la circonstance, comme un miroir déformant. L’amour n’est rien d’autre qu’un trouble majeur de la perception qu’il faudrait soigner comme une dépression. C’est le cancer de l’âme.
Alors je suis parti. Je les ai laissés, ces braves gens. Ce sont les Rmistes des connections neuronales. Le minimum vital, juste suffisant pour boire, manger, dormir, débattre de la météo ou regarder les millions sur la Une, en ne répondant qu’à une question sur dix, ce qui constitue un sommet,  pour ces sous produits de l’intelligence. Ils sont sortis de ma vie beaucoup plus vite qu’ils n’y étaient rentrés. Je suis retourné dans ma doucereuse solitude voir si j’y étais. Je les ai laissés à leurs supputations. Ils supputent à 100 balles !  Je les laisse supposer, extrapoler, imaginer, inventer, présumer, subodorer à leur guise.
Je les laisse à leurs présomptions, qui se métamorphosent, dans leur esprit limoneux, en certitudes, dans la chrysalide de la bêtise qu’ils entretiennent jusqu’à s’encoconner, par souci de sécurité illusoire. Je ne suis plus là pour les contredire. Le silence est la plus belle marque de mépris, retient ça, lecteur ami.
Mes propos sont toujours malléables pour leurs esprits gluants et marécageux. Ils ont le loisir de les déformer, de les façonner de manière à ce qu’ils correspondent à une vérité qui les arrange, ces braves cons béatifiés ! Tandis que le silence, ça les effraye, ils n’ont plus aucune prise, aucune fondation sur laquelle bâtir leur cathédrale d’ineptie.
En les ignorant, je deviens lisse, sans aspérités, ils n’ont plus aucune prise, je les laisse baigner dans leur scepticisme de braves niais. Ce sont les chirurgiens esthétiques de la véracité, qui polissent, à leur façon, la rumeur de manière à lui donner l’éclat de leur vérité. A l’instar des alchimistes, ils transforment une rumeur de plomb en vérité en or!  Du plomb à l’or, il n’y a qu’un neutron de différence, ( du moins je crois, j’en suis pas sûr) mais de la rumeur à la vérité, il n’y a qu’un étron de différence, qu’ils couvent en eux, bien à l’abri dans leur connerie douillette.

Alors je continue mon chemin sans eux, seul, tranquille.
Tranquille, pas toujours, comme lorsque j'ai appris la nouvelle de la disparition de Frédéric Dard. Quel choc! La nouvelle m'est venue de  la bouche du serveur d'un établissement qui alimente mon ivresse quotidienne, bête à un point qu’il ressent un indicible sentiment de fraternité lorsqu’il entend prononcer le mot âne.

« -Salut Bruno, t’as entendu à la radio ?
-J’écoute pas la radio.
-Y z’ont annoncé la mort de l’autre là, je sais plus son nom. Cui qu’écrivait des conneries. Merde, comment qu’y s’appelle déjà ?
-Bernard Henry Lévy ?
-Non, çui qui racontait des conneries, j’te dis ! Ah oui, Santantonio ! Ben quesqu’y a, t’es tout pâle ! »
    Ce jour-là, j’ai pas travaillé. Je suis rentré chez moi avec une bouteille de gin. J’ai regardé mes bouquins, mes cassettes vidéo. San Antonio, Céline, Desproges, Dac, Tati, Blier, Coluche, Audiard, Carmet, Carrette et tous les autres. Où peuvent-ils être, ces chers disparus ? Pas en enfer, ils ne le méritent pas.
Pas au paradis non plus, bons vivant comme ils étaient, ils se feraient évidemment  chier énormément la-bas. Pas de baise, pas de vin, pas de gourmandise, le paradis serait une représentation de  l’enfer pour eux. Alors où sont-ils ?
Peut-être existe-t-il un endroit, bien à eux, ouvert aux non cons. Un endroit où j’imagine Tati et Brassens faisant du tandem dans une campagne verdoyante, au bercement léger des chants sympathiques des emplumés lyriques.
Ventura, Blier, Gabin, Audiard tapant le carton, une bouteille de bon vin posée sur la table. Un  Eden, rien que pour eux. Comme j’aimerais les rejoindre ! Voyage au pays des non-cons !

A travers la fenêtre du salon, je vois passer ma factrice, légère, sur son vélo. Elle est belle comme le silence. De longs cheveux, un visage fin et dessiné par une main d’expert. Je ne sais plus qui a déclaré que la perfection n’était pas de ce monde, mais il n’avait pas encore aperçu ma délicieuse distributrice de courrier. Belle au point que je lui offrirais des perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas, si elle me le demandait. Le genre de fille que j’aimerais serrer dans mes bras jusqu’à la fin des temps, sans aucune pensée lubrique. Je ne l’aborderais pas, cela se solderait une fois de plus, par un échec.
Elle me tend le courrier, je lui offre un sourire qu’elle ne me rend pas. Me tourne le dos et enfourche sa bicyclette sans un regard, pour continuer sa noble  mission de distribution. Encore un sourire de perdu. Combien en ai-je distribué dans ma vie ?  Combien en ai-je reçu ? Je ressens  parfois l’incommensurable désir d’arrêter une personne dans la rue, une dame ou un monsieur. Lui dire :
« Madame, monsieur, si nous nous posions un instant et que nous illuminions nos visages fermés d’un éclatant sourire ?».
Si le monde pouvait s’arrêter et prendre le temps de regarder, d’écoute, de se parler de se toucher autrement qu’à coup de point. Ouvrir les yeux, ne plus se complaire dans la cécité et la surdité. Si nous posions les armes, oubliant le passé et se dire : « Voilà, on en est là. Qu’est-ce qu’on fait à présent ? ».

Je te livre le fond de ma nébuleuse pensée, lecteur troublé. Mais je n’ai plus le choix, le temps m’est compté. Mon médecin m’a brutalement déclaré qu’il ne me restait plus que 60 ans à vivre. Je suis condamné ! Alors j’ouvre les vannes pour imbiber la face du monde de mes pensées amphigouriques. Y a-t-il une vie après la retraite ? Y a-t-il une mort après la vie ? Est-ce que mon voisin d’Eden tondra sa pelouse le dimanche après-midi ? Est-ce que ma carte bleue passera sans problème à la caisse du supermarché « Paradisio », où en ce moment les auréoles sont en promotion, - 25 %, ça vaut le coup, non ?
Devant l’imminence de mon trépas, 60 ans ça passe très vite, j’ai fait l’emplette d’une médaille de Ste Thérèse Quiriquantonla, pour le cas, même improbable où il existerait un paradis. Autant mettre tous les atouts de mon côté, ne pas froisser notre Saigneur. J’évoque le paradis, mais rien ne démontre qu’il existe. Et si c’est le cas, est-ce souhaitable de s’y rendre ? Tel qu’il est décrit par les clésiastiques, il ne doit pas être très gai. C’est un endroit plein de paix, et de pets (sinon d’où viendrait le vent, hein ?), de musique céleste interprétée par des anges blafards, insipides et asexués, ce qui ne m’arrange pas, moi qui suis constamment en quête de femmes à  pétrire.
T’aimes bien la harpe, lecteur mélomane ? Moi ça me gonfle au bout de 3 mesures. Quand tu énumère la liste de tous les pêchés, tu te rends compte qu’il est peut-être préférable qu’il n’existe pas cet endroit. Je ne m’imagine pas passer l’éternité sans m’alcooliser, sans baiser, sans me goinfrer et sans me mettre les doigts dans le nez, avec pour seuls compagnons des séraphins ailés et lestes  qui me gonfleront toute la sainte journée avec leurs harpes célestes.
Si cet olympe n’existait pas, je serais contraint de retourné sur terre, et ça je ne le supporterais pas, une fois, ça suffit ! Ou alors, plus sous la forme humaine. J’aimerais être un haricot vert, c’est peinard, un haricot vert, non ? Ou une selle de vélo pour dame, ou mieux z’encore, un tampon, sans applicateur, qui s’ouvre tout seul ! Mon existence serait éphémère, mais la perspective de passer ma vie, même très courte à l’intérieur d’une dame me semble séduisante ? De plus, le rouge est ma couleur préférée, ça tombe bien.. La prochaine fois que vous aurez vos humeurs, mesdames, vous aurez, j’en suis persuadé, une petite pensée pour moi, lorsque vous engagerez votre absorbeur dans le palet des délices.

« Pour vous, demoiselles, je vendrais mon âme
   Même à Lucifer, je le proclame
   Si la vision de votre corps ne m’embrase pas les sens
  Je veux bien être damné pour la circonstance… »  mais je m'égare!
    L’idée de ma disparition prochaine me met en joie. Mais la pensée d’avoir à attendre 60 ans ne me plait guère. Ca passe vite, mais la compagnie de mes contemporains m’oblige à l’impatience. Alors je prends les devants. J’ai braqué ma pharmacienne avec un concombre, qui l’a tellement impressionné qu’elle m’a laisse partir  muni d’une boîte d’Axéalodela, un puissant neutralisant cardiaque.
Afin de ne point trop souffrir lors de mon transfert dans l’autre monde, j’ai également dépossédé ma vendeuse de pilules d’une boîte de Cétrocool, un somnifère efficace qui endormirait les trois quarts de la population pachydermique encore présente sur la planète. Je lui ai laissé le concombre, ça pourra toujours lui être utile pour ses longues soirées d’hiver. Une bouteille de gin pour accompagné le tout et me voilà paré pour mon expédition macabre.
Le téléphone sonne, je ne décroche pas. Dorénavant, s’ils veulent me joindre, ils n’auront qu’à utiliser un guéridon, je suis aux abonnés absents. Je me prépare une mixture à base de gin dans laquelle j’ajoute les comprimés, semblables à des smarties. On s’étonne que les gosses soient tentés par ce genre de pilules, mais leur ressemblance avec leurs bonbons est frappante. J’avale le tout, me ressert un grand verre de gin pour faire passer et je me couche.
J’attends. J’ai oublié de faire la vaisselle ! Tant pis, comme ça ils sauront ce qui constituait mon dernier repas. C’était des raviolis. Ils étaient en promo : 2 boîtes achetées, une boîte gratuite, ça vaut le coup, non ? Quoi, tu t’en fous ? T’as raison, moi aussi d’ailleurs.
Une douce léthargie m’envahit. Comme un engourdissement agréable. La tête me tourne, ou est-ce les murs de la chambre qui se meuvent ? J’aurais quand même du faire la vaisselle, tu crois pas ?  Tiens, quelqu’un a éteint la lumière. Je flotte dans l’obscurité la plus totale. Ils n’ont pas l’électricité dans l’au-delà ?
J’aperçois un tunnel éclairé, au loin. Je m’en approche, en volant. J’entre. La lumière est diffuse et forte à la fois. En tout cas pas aveuglante. Je continue et j’avise un péage. Merde, j’ai pas de monnaie. Tout est donc payant, même pour accéder au paradis ! Le jour de gloire est tarifié, lui aussi!
Je regarde à droite, puis à gauche : il n’y a personne. Tant pis, je saute la barrière. Je vois presque le bout du tunnel, lorsque j’avise un passage sur la gauche. L’entrée de ce couloir est barrée par un panneau. « Défense d’entrer ». Et ta sœur ! J’ai pas obéit toute ma vie comme un veau pour continuer pendant ma mort, merde !
Allez, j’y vais, on verra bien. J’avance de quelques mètre. Le sol me semble soudainement plus chaud. Je continue. La température devient torride, à la limite du supportable. Une silhouette vient à ma rencontre. C’est une jeune femme. Belle, attirante, l’allure salope accentuée par les vêtements de cuir qu’elle porte. Des bottes montantes, un corset ouvert au niveau de la poitrine, laissant découvrir des seins pointus. Chaque téton est percé d’un anneau, traversé par une chaîne qui descend vers l’entrejambe de la créature. Cette chaîne s’accroche dans le dos de la jeune fille sur une ceinture de cuir, visiblement trop serrée. Des perles de sueur ruissellent sur son corps huilé. J’ai énormément de mal à contenir une érection. Elle s’approche de moi en trémoussant, provocante, sort de sa bouche  sensuelle une langue de 15 cm, épaisse et se pourlèche les commissures voluptueusement. Ce sont des commissures de peau lisse !

Cette fois, je bande comme un régiment de légionnaire devant la photo en string de la chèvre de Mr Seguin. La chaleur est maintenant étouffante. Si elle continue son manège, je crois que, dans la minute qui vient, je vais la baiser sur place, tant pis pour les brûlures.
« -Tu viens chéri ?
-C’est combien m’dame ?
-C’est gratuit, ici, viens, tu ne le regretteras pas !
-C’est moins cher que sur Terre, mais on ne pourrait pas aller dans un endroit un peu plus frais ?
-C’est ici qu’il fait le plus frais, chéri.
- Qu’est-ce que ça doit être ailleurs !
-Prends-moi comme une chienne, tu ne le regretteras pas !
  J’avise un objet dans sa main droite. Ca ressemble à un fouet, sauf que l’extrémité de chaque lanière est pourvue de fines lames de rasoir.
-C’est pour quoi faire cet instrument ?
-Cela décuple le plaisir. Tu verras, tu ne pourras plus t’en passer, cela durera pour l’éternité. Prends-moi tout de suite !
-L’éternité, c’est un peu long et j’ai pas que ça à foutre. Je suis en train de mourir et je dois trouver mon paradis. Vous pouvez m’indiquer le chemin, on se reverra plus tard si vous voulez, quand je serais installé. Je vous laisse mon téléphone, appelez-moi quand vous voulez.
-Le paradis ? Quelle horreur ! Ahrrrrrr ! »
Puis elle se métamorphose en présentatrice météo, ce qui me penser que je m’étais engagé sur le chemin de l’enfer. Je fais demi tour, la laissant à ses cartes satellites et à ses prévisions.
Je retourne dans le tunnel, et me dirige vers la lumière.
J’arrive presque au bout lorsque j’avise un grand vieillard, flottant dans les airs, s’approcher de moi. J’ai remarqué que dans la mort, on ne se sert pas beaucoup de ses pieds, c’est pas ici que Eram ou André feraient fortune. Le vieil homme s’approche de moi. Il est habillé de blanc, arbore longue une barbe blanche, les cheveux sont blancs également, c’est plus un homme, c’est une pub pour la lessive ! Des anges miniatures virevoltent autour de lui, comme des mouches sur un morceau de bidoche avarié.

-Salut Pépère ! L’apostrophé-je.
-C’est moi ! me répond-il.
-C’est toi quoi ?
-Je suis l’Eternel. Suis-moi, ta place est prête au paradis.
-O n y fait quoi dans ton club Méd ?
-On y vit en paix. C’est un monde d’amour.
-Y a à boire, et des filles ?
-Tu n’as nul besoin de boire, la soif n’existe pas en ces lieux, ni la faim, du reste. La différenciation des sexes n’a plus lieu d’être, je te dirais simplement que toutes les créatures qui pénètrent mon royaume sont asexuées. Il n’y a ni homme ni femme, uniquement des créatures rayonnantes de bonheur éternel.
-Alors, c’est pas là que je vais ! Dis-moi ça t’agace pas les anges qui te tournent autour sans arrêt. Y a pas d’insecticide ici. Ils ne piquent pas au moins ?
-Ton devoir est de me suivre, dans mon royaume. Ton chemin t’a conduit au paradis, tu dois l’accepter.
-C’est peut être ton paradis, mais pas le mien. Je vais continuer à chercher.
-Tu ne peux pas errer dans le tunnel éternellement ! Ce n’est qu’un lieu de transit, tu ne peux pas rester ici, d’ailleurs les hommes d’entretien vont bientôt commencer leur journée, tu risques de les gêner dans leur travail.
A ce moment là un grondement sourd se fait entendre. Une forme lumineuse descend lentement vers nous. Cela ressemble à un vaisseau spatial. Il se pose à quelques mètres de la fin du tunnel. Une porte s’ouvre, dessinant un rectangle de lumière sur le sol. Le vieil homme n’en revient pas.
-Mais qui donc se permet ? demande-t-il outré par cette intrusion extraterrestre aux portes de son domaine.
-Désolé, Pépère, je crois qu’on est venu me chercher.
   Une créature sort de l’engin spatial et s’approche de moi. C’est une femme. Elle est nue, ce qui intimide fortement le vieil homme qui  se masque les yeux de ses mains, mais en prenant soin d’écarter les doigts de manière à ne pas perdre une miette du spectacle de cette nudité parfaite.
Elle me regarde, je lui souris. Elle me tend alors la main et m’entraîne à l’intérieur de sa fusée. Elle  a la démarche féline , chauve pour ne froisser ni les blondes, ni les brunes, ni les rousses. Elle a des yeux d’un bleu très clair, presque transparent. Immédiatement, nous décollons. Il y a du St Emillion dans la soute à bagages. J’ai trouvé mon paradis…

17 mars 2008

Faux pouvoir

                                  «Faux pouvoir»


«Les hommes naissent libres et   égaux en doigts : ils en ont dix ! »
(G. Marchais, discours à jeun)

« -C’est un ancien communiste qui est devenu alcoolique.
-c’est bien qu’il s’en soit sorti ! »

( Brèves de comptoir)





             L’homme de pouvoir est bien seul. C’est la pensée qui me chatouille les neurones, au moment où je contemple, d’un œil blasé, perché sur le balcon de mon majestueux palais, la grouillante masse populiste ordinaire et lisse, qui s’agite frénétiquement devant les grilles en or massif de mon grandiose édifice.
Que veulent-ils donc, ces miséreux ? Quelles sont leurs insignifiantes revendications ? C’est le ministre des mots fléchés et de l’orthographe qui me répond :

« -Ils veulent plus de droits et plus d’argent, Majesté.
-Ils ont déjà le droit de vivre et ont suffisamment d’argent pour ne pas avoir à le dépenser.
-Ils en veulent plus, Majesté, justement pour pouvoir le dépensé.
-E.R à «dépenser» ! Ils ne savent donc pas que l’argent ne fait pas le bonheur ? Moi qui suis richissime, je peux en attester : mon argent ne fait pas leur bonheur. Le mien, un peu, car il me permet de consommer à loisirs des mets délicats, même après le 20 du mois.
-Ils voudraient simplement pouvoir manger après le 15, Majesté !
-Et c’est pour le simple confort de leurs palais qu’ils malmènent ainsi les grilles en or massif du mien ? Manger est donc leur unique préoccupation ?
-Oui, majesté, c’est même une Nécessité.
-Vous avez oublié une majuscule à « Majesté » et en avez mis une à « nécessité » ! Seriez vous d’un tempérament provocateur ?
-Pardon, Majesté, cela m’a échappé.
-Les tigres vous guettent !
-Milles excuses Majesté, cela ne se reproduira plus. J’écrirais un poème à la gloire de Votre Divine Luminescence Eternele !
-Avec deux « L » à « éternelle » !
-La grandeur de sa Majesté me trouble, comme le sable opacit l’eau de la vague qui vient mourir sur la plage !
-Tout ça, sans faute !
-Merci, Majesté !
-Je parlais du poème. Sans faute, c’est à dire ne l’oubliez pas et les tigres attendront. Où en étions-nous ?
-Nous parlions des affamés, Majesté.
-Ils ignorent donc qu’il existe bien d’autres occupations que de manger. Sont-ce des goinfres ?
-Ils ont le ventre vide, Majesté.
-Mais ils ont néanmoins suffisamment d’énergie pour saccager les grilles de mon palais. Et si je lâchais les tigres ?   
-Ils ont si faim qu’ils les mangeraient.
-Mes tigres ne sont pas si affamés, ils sont bien nourris.
-Je parlais des gens, Majesté ! Ils ont si faim qu’ils mangeraient vos tigres ! Ils ont l’estomac dans les talons.
- Et les talons dans les godasses ! Ils n’ont qu’à manger leurs chaussures !
-Encore faudrait-il qu’ils en eussent, Majesté !
-Vous faites du zèle, ministre érudit, méfiez-vous des tigres !
- Ils pensent également à leur z’enfants, Majesté.
-Si vous faites la liaison entre « leur » et « enfants », mettez au moins un « s » à « leurs ». Vous ne vous relisez jamais quand vous parlez ? Au lieu de ne penser qu’à se remplir le ventre, s’ils s’occupaient à autre chose, comme jouer au « scrabble », par exemple, c’est très enrichissant. Le mot « zygomatique » sur une case triple peut rapporter 150 points, un steak haché seulement 110 calories. La différence est pourtant évidente. Leur ignorance, leur bêtise et leur paresse n’a d’égal que leur appétit.
-N’ont d’égal, Majesté !
-Les tigres vous guettent !
-Pardon, Majesté, mais mon devoir de ministre de m’oblige à vous coriger lorsque vous commettez un impair orthographe.
-Avec deux « r » à corriger. Quel poste occupiez-vous auparavant ?
-J’étais à la culture.
-Ca ne m’étonne pas ! Mais passons. Voyez-vous, mon cher ministre, ma famille s’est installée ici en 1945, poursuivie, il est vrai, par une horde d’anglo-saxons vociférant, hystériques et Obélix (pardon, mais ça m’amuse), qui lui reprochaient notamment de s’être lancée, dès 1940, dans le commerce d’œuvres d’art, d’objets précieux et l’exportation de personnel, non qualifié, à qui ils trouvaient des emplois, dans un très beau pays, quoiqu’un peu germanique. Des antiquaires qui faisaient office d’agence de placement en même temps, en quelque sorte. Les employeurs devaient être très satisfaits de leurs prestations, puisque aucun des employés qui est parti n’est jamais revenu. Lorsque ma famille débarqua ici, il n’y avait que du sable et des cailloux, une végétation anémique, quelques cours d’eau asséchés, une température de 45° à l’ombre, s’il y avait eu de l’ombre, et, il est vrai le sous-sol le plus riche qui soit. "
"Jamais l’or, l’uranium, le diamant, le pétrole, plus quelques autres babioles sans importances furent aussi présents que  dans cette région de la planète. Il suffisait de creuser. Les autochtones, par stupidité ou par paresse, allez savoir, n’y ont jamais pensé, trop préoccupés à gagner petitement leur vie en recherchant avidement eau et nourriture.. Ma famille a fait l’effort d’exploiter ce terrain. Pour des gens qui avaient fait fortune dans les objets d’art, devenir mineur était un exemple d’humilité. Les habitants de la région auraient du être sensibles à ce retour aux vraies valeurs que sont le travail, la volonté et la persévérance. Mais ils préférèrent s’enfermer dans une sorte de jalousie teintée d’hostilité mal placée. Ils devinrent aigris.
« Tu m’aigris ! » avait déclaré un jour, un mineur sous payé à mon père.
« Oui, mais c’est moi qui mange ! » avait rétorqué celui-ci avec à propos.
"Puis, pour le punir de son outrecuidance déplacée, il le fit pendre par les oreilles, jusqu’à ce que retentisse le chant du coq. Comme il n’y a pas l’ombre d’un gallinacé à moins de 300 km à la ronde, le malheureux, mais impertinent mineur, doit, à l’heure qu’il est, être soit mort de faim, soit ressembler à l’enfant issu du croisement de Jumbo l’éléphant avec une antenne parabolique surpuissante.

    " L’exploitation du sous-sol fut, certes grandement facilité  par l’utilisation d’explosifs puissants qui venaient des surplus de  l’armée allemande, alors que les misérables mineurs indigènes s’évertuaient à fouiller le sol à l’aide d’une fourchette à escargot, ce qui, convenons-en, ne facilite pas l’extraction des  précieux minerais enfouis sous leurs pieds.
-Votre famille eut bien du mérite, Majesté.
-Et comment ! Il lui fallut supporter endurer les tonitruantes déflagrations des puissants explosifs, qui déchiraient la terre desséchée et craquelée, comme le pâté en croute de tante Gudule. Il fallut également faire face à l’hostilité manifeste des autochtones qui nous reprochaient de détourner l’eau des puits, des oasis et des maigres cours d’eau, afin d’arroser abondamment la végétation luxuriante et équatoriale qui cerne notre modeste palais en or massif. Les miséreux paysans allèrent même jusqu’à tenter de s’opposer au remplissage de notre humble piscine de 16 000 m3, qui nous permet de nous rafraichir à la saison chaude, c’est à dire toute l’année. Quelle ingratitude de la part d’un peuple, pour qui nous avions fait construire un casino, le mois précédent, afin de lui permettre de se divertir. Le coup de grâce survint lorsque mon père s’auto-proclama roi à vie. Nous dûmes faire des exemples afin de calmer les ardeurs hostiles des insoumis. Nous avions remarqué qu’ils supportaient très mal  les bains prolongés dans l’acide sulfurique. Même si, au moment de la plongée, ils s'ébrouaient frénétiquement en poussant des petits  cris suraigus, après quelques secondes, leur agitation cessait et ils se désintégraient dans un bouillonnement digne des plus grandes préparations culinaires mijotées. Depuis, j’ai remplacé l’acide par les tigres, c’est plus humain, sauf pour les gardiens des fauves à qui il manque au moins un membre.
    J’en suis là de mes confessions coloniales, lorsqu’on cogne à l’huis capitonné de mon cabinet royal.
-Entrez !
C’est le greffier qui passe sa tête d’hépatique par l’entrebâillement.
-S’cusez moi de vous déranger, Divine Majesté. Le ministre des arrestations arbitraires sollicite un entretien avec votre Grandeur.
-Soit, introduisez-le, mais sans douleur !
Le ministre pénètre dans mon cabinet. C’est un individu maigrichon, à la voix glaciale, au regard glacial, à l’allure glaciale, lorsqu’il s’introduit dans la pièce, tout le monde se couvre d’une laine. C’est pas un homme, c’est un reptile ! Son autre particularité est d’avoir une haleine méphitique (t’as qu’à prendre un dictionnaire !) à un point tel, que là où il baille, les arbres ne repoussent pas !
-Mes salutations, Majesté.
Nous nous abstenons de respirer durant 20 bonnes minutes,  le temps que les relents fétides  provoqués de cette simple phrase s’estompent.
-Veuillez vous placer face à la fenêtre, cher ministre, ouvrez-la et expirez fortement. Peut-être le peuple insoumis se dispersera-t-il  conséquemment à votre exhalaison.
-A vos ordres, Majesté.
Quatre mouches s’écrasent au sol, asphyxiées. Une bande de tapisserie se décolle, le ministre de l’orthographe et des mots fléchés pâlit, titube et s’écroule sur mon beau tapis persan.
-Arrrh ! Je meure !!
-Avec un « s » à « meurs », mon cher ministre. Si vous nous quittez, faites au moins un effort !
Le ministre des arrestations arbitraires reprend la parole, au grand damne des couleurs enchanteresses de mes tapisseries, qui ternissent à vue d’œil, sous l’effet toxique des fragrances stomacales du ministre défraichi.
-Vous vous brossez les dents avec quoi ?
-Avec du dentifrice, Majesté.
-Avez-vous essayé les bains de bouche au canard wc ?
-Non, Majesté, mais je vais y songer.
-Ce serait une bonne chose pour tout le monde. Qu’est ce qui vous amène, cher ministre ?
-Je dois vous entretenir à propos de prisonniers, qui nous posent certains problèmes, Majesté.
-Parlez face à la fenêtre. Quels prisonniers ?
-Nous les avons arrêté il y a 3 jours.
-Pour quelle raison ?
-Ils complotaient contre vous, en tentant d’instaurer le droit de vote.
-Quelle horreur ! Qu’en avez-vous fait ?
-Nous les avons enfermés, Majesté, mais nous les avons oubliés. Ils n’ont pas été nourris depuis 2 jours.
-Et alors ?
-Ils menacent d’entamer une grève de la faim, si nous ne les nourrissons pas immédiatement, Majesté !
-Nous ne céderons pas !
-Nous avons de bonnes raisons de penser qu’ils ont envoyé un message à l’ONU, Majesté, pour les avertir de la conjoncture désastreuse dont le peuple croit, à tort évidemment, être victime.
-Fichtre ! Que risquons-nous ?
-Que l’ONU nous envoie des casques bleus.
-Qu’en ferions-nous ? Restez face à la fenêtre !
-Sous les casques, il y a des soldats, Majesté.
-Ils veulent donc la guerre ?
-Non, Majesté, ce sont des soldats de la paix. Ils peuvent recevoir des balles, mais n’ont pas le droit de se servir de leurs armes.
-Des soldats de la paix, n’est-ce point antinomique ?
-Cela parait étrange, mais c’est ainsi, Majesté.
-Qu’ils viennent donc, cela exercera nos tireurs, ils en ont assez de viser la population.
-Vous devriez prendre des mesures populaires afin de calmer l’opinion internationale, Majesté.
-Que me conseillez-vous ? Parlez sur le balcon, s’il vous plait, votre haleine risque de ranimer le ministre de l’orthographe !
-Inspirez-vous d’un pays occidental comme la France, Majesté. L’idée d’instaurer le droit de vote n’est finalement pas si mauvaise.
-Diantre ! Expliquez-vous, cher ministre ou vous aurez à répondre de vos propos abjects devant les tigres.
-Organisez une élection, Majesté. Fictive, bien entendu. Choisissez les personnalités les plus populaires et mettez les en concurrence sur les listes électorales. Chacun établira un programme, et le peuple sera libre de choisir  son président.
-Vous n’y pensez pas ! Auriez-vous perdu la raison, ministre ignominieux ! Vous rendez-vous compte de l’incohérence de votre raisonnement ?
-Il est évident que vous conserverez les pleins pouvoirs, Divine Majesté. L’élu ne sera qu’un faire valoir, une potiche, en somme.
-Aux yeux du peuple, il sera le chef. Il paradera dans mon bel uniforme de cérémonie, je ne pourrais m’y résoudre.
-Tous cela ne sera que duperie, Majesté, et le nouveau Président ne prendra pas votre place, vous aurez toujours le pouvoir dans ce pays, mais le peuple n’en saura rien. Il vous sera reconnaissant d’avoir instauré la démocratie. Songez, Majesté, que le malheureux Président aura à subir les exigences de la population, exigences beaucoup moins emportées, puisque la majorité l’aura porté au pouvoir. Vous aurez ainsi la possibilité de vivre paisiblement et de jouir, à votre guise, de vos nombreuses richesses. Il vous sera parfois nécessaire de lâcher un peu de lest, de manière à crédibiliser la fonction présidentielle nouvellement créée.
-Qu’entendez-vous par lâcher du leste ?
-Certains gouvernements ont, par exemple, instauré les congés payés, Majesté.
-De quoi s’agit-il ?
-Cela permet au peuple de se reposer et de cesser de se frotter à la promiscuité des villes, Majesté.
-Et que font-ils ?
-Ils se frottent à la promiscuité des plages!
-C’est stupide !
-Mais c’est ainsi, Majesté.
-Que se passera-t-il si le peuple s’aperçoit de la supercherie ?
-Il ne s’en apercevra pas, Majesté, trop content d’avoir enfin la liberté de s’exprimer, liberté illusoire évidemment.
-Comment pouvez-vous en être si sûr ?
-La démocratie se caractérise par le pouvoir d’une majorité exprimée sur une minorité non consentante, Majesté. Si les choses ne fonctionnent pas comme elle le souhaite, cette minorité reprochera à la majorité d’avoir choisi le mauvais candidat. La majorité tentera d’argumenter son choix, de manière à ne pas perdre la face et s’enfoncera dans son erreur, au grand désarroi de la minorité qui lui en tiendra rigueur. Il s’ensuivra des querelles internes au sein même du peuple, querelles qui vous seront profitables, puisque leur agressivité collective, au lieu de se concentrer sur un seul individu, c’est à dire vous, Majesté, se délayera et sera donc moins tenace.
-Je ne vous suis plus, le peuple revendiquera toujours la même chose !
-Mais il trouvera d’autres responsables à ses tourments, à savoir ceux qui ont mis le pouvoir en place, c’est à dire les électeurs majoritaires. Comme justement ces derniers sont majoritaires et refusent de reconnaitre leurs erreurs, la colère s’en trouvera amoindrie. Ils transféreront leur courroux sur d’autres responsables que vous et cette colère sera moindre. Voyez-vous, Majesté, la fureur de la foule est comme un rayon laser, c’est à dire un faisceau de lumière très concentré, donc très énergétique et dévastateur. Si vous parvenez à diffuser sa lumière son énergie s’éparpillera et il sera moins dangereux pour sa cible. Sauf votre respect, Majesté, la cible c’est vous et l’animosité de la population représente le laser. Dispersez cette colère et vous n’aurez plus rien à craindre du peuple.
-Cela me parait bien compliqué, cher ministre.
-C’est seulement mathématique, Majesté.
-Que viennent faire les mathématiques dans votre raisonnement ?  Soyez plus explicite, que diable !
-La formule est simple, Majesté : diviser pour mieux régner et multiplier pour mieux soustraire, cela vous permet d’additionner !
-Vous me donnez le tournis, avec vos formules mystérieuses ! Soyez clair ou je fais réanimer le ministre de l’orthographe !
-N’en faites rien, Majesté, il doit surement rêver de dictée, dans son coma. J’ai cru l’entendre murmurer « à la ligne » tout à l’heure;
-Votre haleine est un puissant narcotique, continuez de parler face à la fenêtre. Où en étions-nous ?
-Je vous expliquais qu’il était nécessaire de diviser le peuple afin de mieux régner. Multiplier les opinions de manière à soutirer plus facilement au peuple, sans avoir  à craindre ses représailles. Cela vous permet d’augmenter vos richesses, tout en faisant porté le chapeau à d’autres. Sauf votre respect, Majesté, votre régime actuel fonctionne à l’envers : vous additionnez les opinions, de manière à n’en faire qu’une seule qui se retrouve sans autre opposant que vous-même. Le peuple multiplie ainsi les actions hostiles à votre encontre et les conflits sont permanents et de plus en plus violents.
-Est-ce ainsi que les autres nations fonctionnent ?
-Grossièrement oui, Majesté.
-Voilà que vous m’ouvrez d’autres horizons, cher ministre putride. D’où tirez-vous  cet enseignement?
-J’ai fait des études d’économie politique, Majesté.
-Chez nous ?
-Non, Majesté, en France.
-Qui dirige ce pays ?
-L’alternance, Majesté.
-Qu’est ce donc ?
-Un coup, c’est la droite qui gouverne, un coup c’est la gauche.
-Dans ce cas, pourquoi le peuple vote-t-il?
-L’illusion, Majesté. Il est bon de faire croire aux petites gens que leur opinion a de l’importance. Les hommes de pouvoir simulent le partage des richesses, mais eux seuls en tirent les bénéfices.
-Quelle différence y a-t-il entre la droite et la gauche ?
-A vrai dire très peu, Majesté, du moins dans le fond. Seule la forme change. La droite achète son électorat en assurant un contrôle des richesses à quelques notables garants des valeurs morales et de certaines traditions héritées de la monarchie, qu’elle travestit en démocratie bien pensante.
-Et la gauche ?
-La gauche, longtemps outrée par ces pratiques archaïques, s’est finalement laissée séduire par le procédé, Majesté.
-Elle achète les notables ?
-Non, Majesté, la gauche est plus sournoise, elle suborne les nécessiteux, exploite la pauvreté. Elle prend « aux pas très riches » pour donner aux plus miséreux.
-Serait-elle folle ?
-Pas du tout, Majesté, c’est très ingénieux, au contraire. En s’attaquant « aux pas très riches », elle en fait des pauvres, qui sont bien évidemment séduits par l’aide financière et l’assistance de l’état. Et les « déjà pauvres », eux continuent à donner leurs voix à la gauche de peur de perdre leurs avantages. En définitif, elle maintient les plus démunis dans un rôle d’assistés, de manière à conserver la légitimité de son pouvoir.  Toute tentative d’initiative personnelle est vouée à l’échec.
-Le peuple ne devine pas le piège de la dépendance ?
-Non, Majesté, trop content de jouir de certains avantages sans rien devoir en échange, si ce n’est qu’un bulletin électoral. La gauche va même jusqu’à s’abaisser à s’entourer d’écologistes et de communistes, de manière à ratisser le plus large possible dans la classe ouvrière.
-Des communistes !! Quelle horreur ! Le peuple n’a donc aucune notion d’Histoire ?
-Hélas, Majesté, l’Histoire se vit, s’écrit, et s’oublie et quand elle ne s’oublie pas, son souvenir reste très sélectif. Ainsi, la population manifeste son mécontentement et son inquiétude lorsque la droite tente une alliance avec certains partis d’extrême-cons, mais ne s’offusque pas de la présence de communistes parmi les membres du gouvernement.
-Les Français sont des veaux !
-Il s’agit d’une formule déjà employée par le grand Charles, Majesté.
-Aznavour ?
-Non, De Gaule, Majesté.
-Comment le peuple peut-il se laisser abuser ainsi sans réagir ?
-Il semble baigné dans une douce léthargie, Majesté. A sa décharge, il faut signaler que les dirigeants de ce pays ont mis en place un principe d’hypnose, nommé pendule de Foucault.
-Caisse donc ? Pardon, qu’est-ce donc ? Le mot Foucault m’anesthésie l’esprit.
-L’anesthésie est sa fonction première, Majesté. L’hypnose se pratique en général à l’aide d’un pendule que le sujet doit fixer. C’est sur ce principe que le peuple s’endort et ne se révolte pas. Le pendule en question est manœuvré par un Foucault, d’où le nom de pendule de Foucault.
-Et comment ça marche ?
-Le Foucault endort ses proies en posant des questions du niveau d’entrée au cours élémentaire, de manière à ratisser le plus large possible, Majesté,  à des personnes très peu riches en culture, de manière à instaurer un suspens insoutenable pour le spectateur ensorcelé devant son écran de télévision, la bave aux lèvres et la Kronenbourg à la main. Le tout dans une ambiance qui ferait passer les plus tragiques funérailles imaginables, pour un bal du 14 juillet, Majesté.
-Ce Foucault est un illusionniste de grand talent ! En avons-nous un sous la main ?
-Les tigres l’ont mangé, Majesté !
-Comment ont-ils réagit, cher ministre ?
-Ils ont eut une brève période de catalepsie, durant laquelle même la photo d’un écolo les  laissait de marbre, Majesté.
-Bigre, c’est un puissant sédatif !
-Le Foucault n’est pas le seul, Majesté. Il existe le Castaldi qui est également un lénifiant surpuissant. Il est composé de 2/3 de Risoli bêtifiant, 1/3 de Sabatier ancien et 1/3 de Pradel troublé, c’est vous dire le pouvoir  hadal de cette infernale machine à détruire les neurones.
-Mais il est composé de 4/3 de composant, n’est-ce point trop ?
-C’est la raison de sa puissance, Majesté. Il est le grand spécialiste de la lobotomie de masse. Il a réussi à ankyloser toute une population plusieurs semaines, en filmant la pathétique existence d’une bande de décérébrés congénitaux, appelés également « jeunes », volontairement enfermés dans une résidence, ouverte à tous les regards mornes des crétins catalepsiés.
-Il est effectivement très habile. En avons-nous un sous la main ?
-Les tigres l’ont également  mangé, Majesté.
-Comment ont-ils réagit ?
-Ils ont vomi, Majesté.
-Pourrions-nous récupérer quelques morceaux et les présenter au peuple, en signe de sympathie ?
-Hélas non, Majesté. La digestion avait commencé son œuvre, avant que la nausée n’incommode vos chers félins.
-Soit, nous en créerons un autre, plus puissant encore.. Greffier !! Où est-elle cette sinistre andouille ? Greffier !!
Il passe enfin sa superbe tête d’abruti congénital, par l’entrebâillement de la porte de mon cabinet.
-Vous m’avez demandé, Divine Puissance Céleste ?
-Convoquez sans plus attendre le ministre des câbles et des micros, ainsi que le ministre des hauts-parleur ! Qu’ils installent leur matériel sur le balcon, je vais m’adresser au peuple.
-Vos désirs sont des ordres, Suprême Divinité !
Quinze minutes plus tard, prêt à rentrer dans l’histoire, j’apparais à la foule pleine d’espoir, dans un apparat digne de ma gloire. Le bras tendu, la paume de la main tournée vers le ciel, le majeur dressé et les autres doigts repliés, je leur dis simplement : «  Je vous ai compris ! ». C’est étrange, ils n’applaudissent pas !
    Depuis, bien des choses ont changé, dans mon royaume. Trois présidents se sont fait lyncher. Le ministre des arrestations arbitraires a été nommé ministre des produits d’entretien, ce qui lui permet de se rincer la bouche régulièrement avec  Javel Lacroix, ou Plize, pour changer d’air. Le ministre de l’orthographe sort de temps à autres de son coma pour balbutier : « Aider-moi ! »
-Avec un « z » à aidez, ne puis-je m’empêcher de le reprendre.
Les tigres vont bien, ils se nourrissent de membres du gouvernement que le public conspue. Nous avons aboli le supplice du pal pour les chanteuses braillardes et la crucifixion pour les utilisateurs de perceuse le dimanche matin.
Le peuple a droit aux congés payés : une heure par an ! C’est peu, mais ce n’est qu’un début. Le seul point noir est que nous échoué dans notre tâche ardue à recréer un Castaldi ou un Foucault. Nous devons, pour l’instant nous contenter d’un Lucien Jeunesse, ma foi un peu usagé, mais le peuple semble s’y accommoder, en attendant mieux. 
Perché sur le balcon de mon majestueux palais, je contemple la grouillante masse populiste, ordinaire et lisse, qui s’agite frénétiquement en s’invectivant et s’affrontant pour des opinions qui divergent.
La vie est belle, mais l’homme de pouvoir est quand même bien seul…


15 mars 2008

fête des mers


                                                                      «La fête des mers»




                            « La femelle du poulpe n’a pas de porte-  jarretelles, c’est trop compliqué à mettre ! »
                               (J.Y Cousteau, éleveur de poulpe.)




         « La mer, qu’on voit danser, le long des golfes clairs, a des reflets d’argent… ».
Il n’y a malheureusement plus que les reflets qui soient d’argent !
        « La mer, qu’on voit sombrer, le long des golfes cimentés a des reflets visqueux ! »
     Après de longues années passées sans vacances, à travailler (un peu), à me gausser (beaucoup) de la vie exaltante, à force de platitude, de mes contemporains, j’avais décidé de me reposer quelques jours sur la côte, histoire de changer d’air, de tête et de voisins. Malgré mon inaptitude à me mélanger aux homos sapiens à la saison chaude, j’optais pour la Méditerranée. Le soleil, l’air marin, les filles à demi-nues aux seins bronzés et quelques avantages financiers concernant la location du studio, m’avaient conduit dans une région de la côte à la densité de population telle, que le métro de New York aux heures de pointe passerait pour le désert de Gobi.
     Je passais mon temps à me promener pédestrement, ce qui ne veux pas dire avec des hommes, lecteur pervers, dans des endroits peu riches en populo, ou à m’enrichir l’encéphale de quelques lectures intelligentes, assis sur le port aux heures chaudes, pendant que la masse aoûtienne s’oint avec soin de crème solaire et s’aligne sur le sable, un œil tourné vers la mer, l’autre pointé vers l’admirable cul de la voisine de plage, pour peu que cette dernière arbore un monokini trois tailles en dessous du format de son  féerique fessier rebondi. Car de nos jours, l’exhibitionnisme exacerbé prend le pas sur la plus élémentaire pudeur.
Ne t’imagine pas que je fais partie de ces faces de carême qui militent pour le retour de la crinoline sur les plages, mais une fille c’est comme une orange : j’aime l’éplucher avant de la déguster. Lorsqu’elle déboule dans ma vie déjà à poils, ça me coupe toutes mes envies.
Imagine une fille sortant de l’eau, vêtue uniquement d’un long tee shirt mouillé qui se colle à sa poitrine et lui moule les fesses, c’est pas bandant ça ? C’est pas mieux que si elle sort de l’eau à poils non ? Moi ça me provoque instantanément une raideur vergesque ( ça n’a rien à voir avec l’avocat). Un film érotique est autrement plus bandant qu’un porno, crois-moi. La simple suggestion de l’acte d’amour met en branle ton imagination.
La vision d’une grande actrice internationale  simulant l’amour est plus excitant que la vision d’une starlette de porno qui subit les assauts de 4 mâles montés comme des ânes. Le film érotique «Emmanuelle » m’émoustille davantage que «Pompe-moi le dard, t’auras du miel!», qui contrairement à ce que laisse supposer son titre, n’est pas un documentaire sur l’apiculture.
  Le hasard de mes promenades me conduisit un jour à suivre un petit chemin de terre, qui débouchait sur une crique déserte. Hé oui, déserte, car les bipèdes humanoïdes ne l’avaient pas encore souillé de leur présence, du moins le pensais-je, cachée qu’elle était par une petite colline verdoyante, malgré l’aridité de la région.
Je décidai d’y passer un peu de temps, assis sur le sable ingrat qui fait la particularité des plages du sud. Je contemplais le large, absent de toutes embarcations pollueuses de vision. Tandis que mon esprit se laissait aller à la rêverie, tout en regardant au loin les petites crêtes blanches formées par l’écume apparaître et disparaître au gré des flots, dans un silence à peine troublé par le cliquetis des vagues caressant quelques rochers épars, mon œil fut soudainement attiré par un reflet d’argent qui se dégageait de l’onde bleutée au gré des sacs et ressacs, à quelques mètres du rivage.
Intrigué, je me levais et m’approchais, mais il m’était impossible d’identifier l’origine de ce mystérieux scintillement argenté. Ne m’étant pas muni de mon nécessaire de bain, je reportais à plus tard l’investigation marine indispensable à l’identification de cet énigmatique  éclat. Sur le chemin du retour, je fis l’emplette d’un superbe caleçon de bain léopard à grille porte-burnes incorporée, d’un masque de plongée et d’un tuba.
Muni de ces indispensables accessoires de bain, je revins à la crique le lendemain. Elle était toujours aussi déserte, les lézards congépayistes s’étant brulés le recto au troisième degré la veille, ils se devaient à présent de s’occuper de leurs versos.
Je me déshabillais et me présentais face à la Méditerranée si riche de culture, d’histoire et de légendes, là où le chant des sirènes ne précède pas l’arrivée des bombes ou des tracts de propagande. Je priais tous les saints du ciel et d'ailleurs pour que mon caleçon léopard n’attirât pas un requin tigre de passage ou pire une huitre mangeuse d’homme. Avec mon matériel de plongée et mon slip léopard, je devais ressembler, de loin, à une créature hybride résultant de l’accouplement de Tarzan avec une grenouille.
J’avançais fébrilement vers les flots salés. Courageuses, les vagues me léchaient les pieds. L’eau me parut aussi glacée que le faciès hébété d’un fonctionnaire en exercice à qui on annonce que la pendule s’est arrêtée.
Réprimant un frisson, je m’avançais lentement jusqu’à ce que les vagues, après m’avoir léché les pieds, entrèrent en contact avec une partie de mon individu moins apte à supporter l’illusion glacée. Sous l’effet du froid, l’ensemble se rétracta et il me semble que j’aurais pu chanter la Traviata un ton au-dessus du plus haut des castras. Avec un courage extraordinaire, qui caractérise les sauvages asociaux mongoloïdes banlieusards, lorsqu’ils agressent à 5 une octogénaire paraplégique, je me jetais à l’eau.
Tous les poils de mon corps se dressèrent. Une femelle oursin nymphomane, croyant sans doute reconnaitre son compagnon de copulation épineuse, se précipita vers moi. Estimant qu’un oursin mâle digne de ce nom ne se baignerait pas en maillot léopard, elle s’aperçut de sa méprise juste au moment où ses épines allaient se ficher dans mon épiderme légèrement halé par les caresses et le chatouillement des rayons du soleil.
Je nageais jusqu’à l’endroit où m’était apparu le reflet d’argent. Je tentai une plongée, offrant ainsi la partie la moins noble de mon individu, cachée, il est vrai par l’épais tissu léopard, au ciel d’azur et aux rares mouettes qui planaient dans l’éther bleuté, en émettant des cris perçants, comme si elles ne pouvaient pas voleter en silence, ces connes !
Je remontais très vite. D’abord parce qu’il m’est très désagréable de respirer sous l’eau, ensuite parce que je crus être victime d’une hallucination. N’ayant pas consommé ces derniers temps de champignons psychédéliques, ni fumé d’herbe à bonheur précaire, je n’avais aucune raison de douter du bon fonctionnement de mes globes oculaires. Je replongeais pour en avoir le cœur net. Mes sens ne m’avaient pas abusé. D’ailleurs, j’interdis qu’on abuse de moi impunément. Le reflet d’argent résultait de  l’action lumineuse des rayons du soleil qui se reflétaient sur la poignée alluminisée d’un …lave vaisselles !
J’avais du mal à croire que les créatures qui peuplent nos mers furent à ce  point civilisées. Je ne pouvais me soumettre à l’idée que la femelle du hareng ait pu utiliser un tel appareil ménager, pour nettoyer amoureusement les hypothétiques couverts de sa progéniture, après avoir consommé un gratin de plancton, aux senteurs d’hydrocarbures.
C’est en continuant mes investigations alentours, que je me rendis, par mes propres moyens, à l’évidence : cette crique si paisible, si belle en apparence, servait en réalité de dépotoir.
Outre le lave vaisselles, je dénombrais
-350 préservatifs usagés
-2 non-usagers, que je récupérais au cas où 
-31 bouteilles de différentes matières, ayant contenu divers liquides alcoolisés
-2 enjoliveurs qui n’enjolivaient plus rien
-une botte gauche ayant sans doute appartenue à un unijambiste droitier, mais comme ça se vend par paire ces choses là, la gauche  y est allée de son bain de mer 
-un téléviseur de marque nipponne 51 cm écran plat, coins carrés, garanti 2 ans, sans la télécommande -un dentier en parfait état de marche
-un exemplaire de la collection Arlequin, corné à la page 12, ce qui démontre que les gens qui fréquentent nos plages sont des lecteurs intelligents 
-2 barils de lessive où il n’y a rien d’écrit
- et enfin un abris-bus tout neuf, qui aurait fait le bonheur de cette société de transport de bestiaux qu’est la RATP.
Je retournais m’assoir sur la plage, perplexe. Une question me hantait l’esprit. Quels sous produits de l’évolution avaient pu commettre un tel viol de la nature ? En y réfléchissant un peu, je me disais que ces braves cloportes devaient certainement être des gens respectables, allant d’un même pas alerte à l’église ou au bureau de vote, et qui fustigent, sous prétexte que ça pollue, les maîtres indélicats qui laissent leur canidé se soulager dans nos rues, souvent en face de chez moi, d’ailleurs.
L’humanité  (la vraie, pas le journal) m’effrayait un peu plus. L’homme est un loup pour la mer. Je repensais aux marées noires, englueuses de cormorans, aux dégazages, loin des côtes de manière à ne pas inquiéter les gentils touristes dépensiers cramoisis par le chaud soleil d’été, les paisibles cétacés souffrant de complications pulmonaires ou agonisant, le système digestif fragilisé par des sacs plastiques ingurgités, devant fuir chaque fois qu’un bateau battant pavillon japonais ou norvégien pointe le bout de son canon à l’horizon. Le jour où on organisera une chasse aux cons, j’ai bien peur qu’il n’y ait pas assez de harpons.
    Cet été là, la mer se vengea, en envoyant par milliers, des méduses aux tentacules urticants. Impossible de se baigner. Affolés par le manque à gagner provoqué par cette invasion tentaculaire, les hommes de la côte entreprirent de génocider ces intrus, mais rien n’y fit. Cette année là, les cnidaires triomphèrent par leur nombre. C’était cnidaires surprise, en quelque sorte.
Pour me rendre utile, j’arpentais les plages à la recherche des téméraires qui auraient bravé la baignade. Je leur proposais mes services en leur expliquant que seule l’urine pouvait atténuer la lancinante brulure provoquée par le contact des redoutables tentacules.
Je passais donc le reste de mes vacances à compisser magnanimement, et avec un plaisir non dissimulé, les gentils vacanciers. Quand on peut rendre service, faut pas se gêner. Je bus énormément de bière, durant cette semaine là, mais c’était pour la bonne cause.
    La liste des exactions commises par l’homme contre notre belle planète bleue, ne tiendrait pas dans tous les ouvrages de la bibliothèque nationale réunis. J’aurais pu parler des forêts, des pluies acides, des gaz ou des radiations rejetés par nos entreprises ultramodernes.
Dieu merci depuis un certain temps, on a des partis écolos , donc tout va très probablement s’améliorer d’ici peu. Avec Voynet et Mamére (pas ma mère, l’ancien animateur de JT), on peut dormir sur nos deux oreilles, dès qu’ils auront fini de nous faire rire, ils se mettront au travail. Voynet l’a encore déclaré l’autre jour : « L’avenir est tout vert ! ». Sur les deux oreilles, j’te dis…



13 mars 2008

Cochise Burger

    

                                         « Cochise Burger »

                         « Indien vaut mieux que deux tu l’auras ! »
                          (Assise Sur Des Braises, prostituée Iroquoise)

                           

« Les squaws sont toutes des cheyiennes ! »
                              Geronimo, après trois calumets





                  Les hommes du Général James Téjnou, montés sur leurs canassons, avancent lentement, en rang par deux, sauf le dernier qui est seul, vu qu’ils sont en nombre impair. Hébétés par le chaud soleil de l’Ouest, les soldats semblent somnoler sur leurs montures. La torpeur dans laquelle ils sont plongés leur fait tout oublier : leurs familles, leurs amis, leurs amours, leurs emmerdes et même leur mission.
Le Général Téjnou est chargé, avec l’aide de quinze volontaires courageux, intrépides, grands, beaux et sentant bon le sable chaud, d’escorter un convoi d’immigrants irlandais, venus tenter leur chance vers l’Ouest.

Quatre familles, réparties sur huit chariots, suivent ainsi la colonne de soldats.
Les deux premiers sont occupés par la famille O’Ripile : le père, Tim, qui pèse dans les 150 kg, la mère Sarah, et leur fils Junior.
La famille O’Clinton occupe les deux chariots suivants : Bill, le mari, Hillary, sa femme et Monica, leur bonne. Cette dernière a la particularité d’avoir constamment un cigare entre les lèvres.
La suite est composée de la famille O’Frey, Hugues, le père, Hildegarde, la mère et leurs filles Jamie et Mélanie O’Frey.
Enfin, Vivien et Armel O’Dévian ainsi que leur fils adoptif Jamel O’Dévian, complètent la liste.

Après de longues heures de route, le Général Téjnou arrête le convoi :
       « -Nous allons nous reposer ici avant la traversée du grand désert du   Videssérébral . »
Le désert du Videssérébral est craint de tous les cavaliers. Seuls quelques braves osent s’y aventurer pour tenter la traversée. C’est sur ce critère que Téjnou a sélectionné ses hommes. Une vieille légende indienne raconte qu’il existe dans ce désert, des bancs de sable émouvant. Selon la légende, des sirènes des sables vivent sur ces bancs, les Indiens les nomment l’Araff Abian. A l’instar de leurs cousines des mers, les Môm Pihaf, comme les appellent les autochtones, les sirènes des sables chantent, mais accompagnent leur chant d’un son strident, qui vrille les tympans cérumineux des cavaliers qui poorlonesomecowboy  dans cet environnement hostile.
    Si le désert du Videssérébral s’étend sur plusieurs centaines de kilomètres, en revanche sa largeur n’excède pas cinquante mètres. Pourquoi alors le traverser dans le sens de la longueur et non dans le sens de la largeur, me demanderas-tu, lecteur curieux. Tout simplement parce qu’il est bordé de deux chaines montagneuses infranchissables : les Monts Tipiton à l’Ouest, et les Monts Tagnerus à l’Est.
De ce fait, ce désert constitue une sorte de couloir entre les deux chaines de montagnes,  qui permet de les traverser au lieu de les contourner, ce qui en fait un raccourci non négligeable dans un voyage si long qu’il mène aux pauses.
Les Monts Tipiton constituent une chaine montagneuse très plate, ce qui est rare pour des montagnes, peuplée d’indiens de la tribu des Royo Muni, aux dents longues et aux cheveux roux, ce qui est rare pour des indiens. Le grand chef de la tribu se nomme John Médjor, un aventurier irlandais, qui conquit les Indiens Royo Muni grâce à une eau de vie très particulière : le Touta Lamente.
A l’Est s’élèvent les Monts Tagnerus. C’est une chaine de montagne très escarpée avec des pics de force 6 ou 7 et des creux de –25°, pour te donner une idée. La redoutable tribu des Ruscoff hante ces lieux. L’hiver, ils pratiquent le culte de Davôdka et honorent sa déesse Smîr Nôff. Sur le totem, les guerriers écrivent son nom en rouge avec le sang de leurs victimes. L’été, aux beaux jours, ils partent chasser les troupeaux de Tché-Tchens. Personne n’ose les affronter, depuis qu’on les sait protégés par le dieu de la guerre, le grand Tchernô Bill. Il est évident, après ces éclaircissements, qu'il  vaut mieux traverser le désert du Videssérébral que de le contourner en s’aventurant dans ces montagnes impitoyables.

    Les colons, inquiets avant la traversée, profitent de la pause pour se rapprocher des soldats, afin de les questionner sur les risques encourus. Tim O’Ripile interpelle le Général Téjnou :
« -Excusez-moi, mon Capitaine !
    -Je suis Général, répond Téjnou, vexé qu’on ne reconnaisse pas son grade.
    -Excusez-moi, mon Général, qu’avons-nous à craindre de la traversée ?
  -Il y a bien quelques tribus d’indiens, mais ceux-ci sont généralement inoffensifs. Les sables émouvant constituent un danger bien plus considérable. Les chants des sirènes, les l’Araff Abian, sont redoutables pour la raison. Les individus les plus sensibles, à l’instar des autruches, se plantent la tête dans le sable pour échapper au son perçant qu’elles émettent. Le plus souvent, ils meurent asphyxiés, car ils oublient de respirer tant le soulagement de l’ensablement est grand !
   -Pourtant, mon Lieutenant, vous l’avez traversé plusieurs fois sans dommage.
   -Je suis Général, reprend James. Voyez-vous, il me semble que j’ai trouvé la parade. J’ai toujours avec moi quelques bouteilles de bon vin et dès que les chants se font entendre, je les ouvre et les vide. L’ivresse me détourne l’esprit et j’échappe ainsi à l’ensorcellement des sables émouvants.
   -Si je comprends bien, dès que vous entendez les sirènes, vous descendez à la cave ! S’il faut boire pour échapper aux chants maléfiques, nous boirons, mon Colonel ! promet l’Irlandais.
   -Je suis GENERAL ! s’impatiente Téjnou.
   -Pardon, mon Général. Il y a deux ans, mon oncle Sam m’a écrit pour m’informer qu’il avait réussit la traversée de ce désert, sous votre escorte.
    -Comment s'appelle-t-il, mon garçon ?
    -O’Ripile, mon Commandant.
    -Je suis GE-NE-RAL !! s’énerve James.
    -Pardon, mon révérend. Mon oncle se nomme O’Ripile. Sam O’Ripile.
    -O’Ripile, O’Ripile, tente de se souvenir le Maréchal.
    -JE SUIS GE-NE-RAAAAAAL !!!!! (Pardoooon !!) . Ah ! Je me souviens ! Le vieux Sam ! Nous avons perdu beaucoup d’hommes lors de cette traversée. Tout se passait bien, lorsque le terrible vent du désert, le Sélin d’Hyon,  nous poussa vers les sables émouvants. J’y ai laissé 12 hommes, tous des buveurs d’eau ! Le vieux Sam fut héroïque. Pourtant, il était en difficulté : il avait cassé son charriot. C’est grâce au whisky qu’il tint le coup. Une barrique complète ! Héroïque, je vous dis ! Surtout qu’il avait récupéré trois jeunes femmes qui avaient dû abandonner leur charriot, qui s’était ensablé. Elles se nommaient Martine Hidraï, Nelly Hédieudoné, et Daisy Draté. Toutes se rendaient dans la ville de Fouzitou pour travailler dans le saloon tenu par Ma’ Damclode.»
    Junior, le fils de Tim, demande au Général:
    « - Comment qu’il a fait l’oncle Sam pour continuer la traversée, si son charriot était cassé, mon Adjudant ?
    -Je suis Général, soupire le Caporal !
     -MEEEEEEEEEEEERDE !!!!!!!!! (Pardon, mon Général !)
    -Merci !
C’est le gros Tim qui répond à la question de son fils :
   -Un des rayons de la roue avant droite s’était brisé après avoir heurté malencontreusement un rocher. Pour la réparer, l’oncle Sam mit des vis, Junior ! Ainsi, il put continuer sa route.
   -Les chants des sirènes avaient commencé juste au moment du repas, se souvient James. Bill Boquet, notre cuisinier, avait fait cuire nos derniers morceaux de bœuf dans une eau troublée par le sable qui s’infiltrait jusque dans les marmites. Le vieux Sam s’était installé autour du feu, en compagnie de ses nouvelles amies.
    « J’ai faim, sert moi du bœuf à l’eau, Bill ! », avait -il dit à notre cuisinier.
    « Et toi, tu dînes, Martine ? » demanda-t-il à son amie.
    « Non, répondit-elle, je ne mange que du gigot à l’ail, accompagné de tarte Hôpoils, comme disent les Indiennes.

"C’est à ce moment que s’élevèrent les chants stridents des sirènes des sables. Je me précipitai jusqu’à la cantine où étaient entreposées les boissons alcoolisées. J’ouvris deux bouteilles de vin « Dupéis » et les vidai en un temps record de 1 mn, 12’ et 43’’, puis je m’endormis. Le lendemain matin, je me réveillais avec le syndrome de la « Gueuld’Heû Boâ », comme disent les Indiens, depuis que l’homme blanc a remplacé l’herbe de leurs calumets par « l’eau de vie, quoi qu’à la fin on en meure » !
"J’ouvris les yeux et un triste spectacle s’offrait à mes rétines embrumées par les vapeurs d’alcool. Douze de mes hommes s’étaient enfouis la tête dans le sable, et avaient péri dans cette position grotesque, qui rappelle les invitations à la sodomie d’une faune bariolée et accueillante, qui hante certaines allées du « Bouade Boul Oigne », comme disent les Indiens. Quelques colons avaient subit le même sort, parmi lesquels je reconnus les admirables fessiers rebondis de Martine et Daisy, les amies de Sam. Quelques chevaux avaient également succombé à la puissance destructrice des l’Araff Abian.

    -Et l’oncle Sam, mon GENERAL ? demandent en chœur les colons Irlandais, captivés par ce merveilleux récit.
     -Merci, répond Téjnou, pas fâché de voir son grade enfin assimilé par son auditoire. Mais de grâce, pas tous à la fois ! ».  Le Général (merci !) se trouve en effet incommodé, lorsque les colons s’expriment tous en même temps.
       -Je découvris Sam sous son charriot, une barrique de whisky vide à ses côtés.
   « Beurgh !! » me dit-il, comme pour me prouver qu’il était encore vivant.
"Il avait eu le réflexe  de la saisir et de la vider dès que les chants se firent entendre. Dans son élan, il avait eu le temps d’entrainer Nelly et la couvrit de tout son poids, la forçant à ingurgiter de grandes lampées de whisky, la sauvant ainsi de l’envoutement des sables émouvants.
S’il vida la barrique, en revanche, il remplit Nelly ! Ils restèrent ainsi toute la nuit, dans les brumes de leur ivresse, intimement unis, tels des avions à réaction, lors d’un ravitaillement en vol.

      -Mais ça n’existe pas, des avions à réaction ! le coupe Monica Lumet, la bonne des O’Clinton, toujours le cigare aux lèvres et émoustillée par l’évocation de la nuit passée par Nelly, dans les bras du vieux Sam, ce qui lui provoque des picotements d’excitation!
        -ça viendra un jour, ma belle demoiselle, répond James, en se promettant de lui faire déguster à la première occasion son célèbre cigare à moustache, offert par sa maman, le jour de sa naissance.  "Nelly, continue James, une fois remise de sa nuit agitée par les assauts érotico-éthylique  répétés du vieux Sam, le remercia de lui avoir sauvé la vie :
         « Tu as été formidable, lui dit-elle, les yeux et l’entrejambe plein de reconnaissance.

        -C’est normal, répondit-il, c’est ça les amis, Nelly ! ».
"La suite de la traversée fut éprouvante, sans nourriture, les bagages partagés entre les quelques chevaux qui survécurent aux sirènes. Nous atteignîmes l’Ouest, épuisés, mais vivants. Sam et Nelly se revirent régulièrement, car il devint un habitué du saloon de Ma Damclode où, en mémoire de  cette traversée, il consomme le whisky sans modération, pour le plus grand plaisir de Nelly, qui n’en revient pas de tant d’ardeur et d’endurance de la part d’un aussi vieux bonhomme. »

    A ce moment là, le Caporal Toulten arrive en courant. Il s’arrête, le souffle pareil à une locomotive à vapeur, devant James Téjnou.
      « -Que vous arrive-t-il, mon garçon ? l’interroge le Général.
       -Mon lieutenant...commence le caporal.
       -Je suis Général ! le coupe Téjnou.
       -Excusez-moi, mon Capitaine. La patrouille de reconnaissance a capturé un indien.
       -Un indien ? Qu’on me l’amène ! ordonne l’Amiral.
       -Faites chier, à la fin ! Oubliez mon grade. Appelez-moi James !
       -A vos ordres, Jim !
       -Et merde !
Deux soldats arrivent, encadrant un individu au teint pâle, ce qui est rare pour un indien, au front dégarni, les quelques cheveux en bataille. Ils le présentent au Général. (Ah ! Quand même ! Merci !)
         -« C’est un indien de la tribu « Degr’Eff », que l’on ne trouve habituellement que sur les vertes  collines  du « Quéhandr’Hécitroén », et nulle part ailleurs. Il se caractérise par son langage, proche de celui de la tribu des « Gainsb’Barr ». Je me demande ce qu’il peut bien faire ici, près du désert du Videssérébral.
         -Comment t’appelles-tu ?
         -Hugh !
         -C’est un prénom comme un autre, Hugues comment ?
         -Hugh ! répète l’Indien.
         -Il ne comprend apparemment pas notre langage. Que fais-tu dans ce désert ?
         -Hugh !
         -Bon, nous verrons cela plus tard, promet le Général  (merci !). Nous allons le mettre aux arrêts, pour plus de prudence. Soldats, mettez Hugh au frais ! (elle est facile, celle-là !). Nous allons repartir.
L’Indien tente bien de résister, mais le soldat Marshopa le saisit par l’oreille, ce qui est très risqué, car lorsque l’on a à faire à un indien, lui tirer l’oreille est hardi ! L’habitant des collines se débat comme il  peut, lorsque le sergent Beusteur, une grosse brute ravagée par l’alcool, à force de traversées du grand désert, le secoue en lui aboyant des insultes jamais entendues de mémoires de Peau-rouge, en lui intimant l’ordre d’obéir. Finalement, l’Indien s’incline devant Beusteur qui tonne.
    Après cet incident, la colonne se reforme et entreprend la si périlleuse traversée. Un silence de plomb, c’est te dire s’il est lourd lecteur faisandé, s’abat sur le cortège. Un silence si lourd qu’on entendrait penser un poète.
        «- C’est quoi un poète ? demande la bonne des O'clinton

         -C’est de l’art Monica, et ta gueule ! Fumes tes cigares et n’interviens pas inopinément dans le récit ! La tension et l’attention sont extrêmes! »
Les colons appréhendent en effet la rencontre avec les sirènes des sables.
Soudain, un hurlement strident fait sortir les hommes de la torpeur dans laquelle ils étaient plongés :
          « Toutéfinihentrenouuuuuuuuuuuuuuuu !!!! »
Les cœurs battent à la Twingo, pardon: à la chamade ! Tim O’Ripile s’approche de James Téjnou et demande d’une voix rendue fébrile par la peur :
         « -Sont-ce les sirènes des sables ? demande-t-il, abasourdi par ce cri inhumain ;
           -Non, répond Téjnou. Il s’agit probablement d’un coyote Texavri qui annonce à sa femelle qu’il la quitte pour une autre. Les l’Araff Abian sont bien pires. »
    Comme pour lui donner raison, un second cri se fait entendre, surpuissant, apocalyptique, à côté duquel, le hurlement du coyote passerait pour un soupir de moucheron aphone. Tout le désert est secoué ! Les maigres cactus perdent leurs épinent ! Le coyote adultère bondit dans les bras de son ex-compagne, ravie de l’aubaine ! Le soleil, qui avait rendez-vous avec la lune, se voile et sera surement en retard ! Le sable s’ensable un peu plus ! Les serpents, malgré leur surdité, sont également touchés par les décibels maléfiques, et prennent leurs jambes à leur cou ! Les lézards se lézardent ! Chez les immigrants, c’est la panique !

         « -Allons z’enfants de la partie, le jour de boire est arrivé ! » hurle Téjnou en saisissant ses précieuses bouteilles de vin « Dupéis ».
             -« On brame, citoyens, fort mais nous bataillerons ! Allons, allons, qu’un sanguin pur abreuve nos dents du fond ! Sus aux flacons, non, Monica, j’ai pas dit : « suce ton patron !».
Tous se précipitent sur la réserve d’alcool, sauf Vivien et Armel O’Dévian, qui se sont jurés de ne jamais toucher une seule goutte de spiritueux. Ils préfèrent prier, mais mille deux cent vingt trois fois hélas (pourquoi toujours « mille fois » tout rond ?), leurs prières se noient dans la tornade de décibels, provoquées par les pernicieuses sirènes. Jamais, elles n’atteindront leur destinataire et ne seront exhaussées. A bout de résistance, les malheureux finissent par se planter la tête dans le sable, offrant ainsi leur cul irlandais au ciel tourmenté par le déferlement pantagruélique, des ondes engendrées par les insoutenables chants diaboliques. Ils ne connaitront jamais l’Ouest. Le tumultueux cyclone sonore dure un peu plus d’une heure.
Aussi soudainement qu’ils étaient apparus, les chants cessent, laissant place à un silence quasi religieux, à peine troublé par les éructations post-éthylique des survivants de cette maudite traversée. Le Général Téjnou  sort lentement de sa biture. Il se dresse et établit un premier bilan d’un rapide coup d’œil :
les O’Dévian sont morts, les O’Cédar ont balayé les effets néfastes des chants à grandes rasades d’alcool de paille, les O’Frey ont survécu également. Les O’Clinton ont péri. Leur bonne, Monica gît lamentablement sur le sable, tous les orifices obstrués par ses précieux cigares. Le gros Tim O’Ripile et sa famille ont suivit les conseils de James et sont sains et saufs, quoiqu’un peu sonnés par l’alcool. Quatre soldats ont péri, tous des buveurs d’eau, ce qui est rare dans l’armée. Deux chevaux, six troènes et deux charriots se sont ensablés, tant les vocalises ont été puissantes. Le Général  constate également que l’Indien capturé est indemne. Il s’approche de lui :

            « -Comment as-tu fais pour survivre au sortilège des sirènes ?
              -Hugh ! répond l’Indien.
              -Quelqu’un parle-t-il son dialecte ? demande James à la cantonade.
              -Je connais quelques termes de son langage, mon Amiral, répond le Caporal Al Hinchaba.
              -Je suis Général, Sergent ! insiste James
              -Et moi Caporal, mon Lieutenant ! lui rétorque Al.
           -Bon, passons ! s’impatiente James. Comment se fait-il que vous ayez des notions de cet étrange dialecte ?
      -Avant de servir sous vos ordres, j’ai passé quelques temps sur les collines du Quéhandr’Hécitroén.
              -Très bien, demandez-lui d’abord ce qu’il fait dans le désert du Videssérébral, si loin de chez lui, et comment fait-il pour ignorer les dangers qui jalonnent la traversée.
Le Caporal traduit tant bien que mal à l’Indien, dont le visage s’illumine aussitôt, en entendant quelqu’un user de son jargon des collines.
                -Dékal Kéokanâ Bis ! répond-il.
               -Il déclare qu’il est à la recherche de son animal de compagnie qui s’est égaré, un Ghîl Dass à poils rebroussés et revêches, les plus rares !
                -Il n’a pas entendu les sirènes des sables ? demande James.
Al interroge l’indien.
                -Tanvâla Kruchalo, Céd’Ladôbe. Répond celui-ci.
                -Il dit que ne connaissant pas les sirènes, il n’a aucune raison de les craindre. Du reste, il ne les entend même pas.
                 -N’existe-t-il pas de sirènes des collines sur son territoire ?
                 -Hélébone Mamzéla Gnês !
                 -Il dit qu’il existe effectivement des sirènes sur les collines, mais elles ne chantent pas.
                 -Biliolidé Ch’Antleub Loûze !
                  -Il dit qu’elles ne chantent pas, mais par contre, elles parlent énormément.
              -Je pense qu’on peut le laisser repartir, décide Téjnou. Bravo pour votre traduction caporal.
                 -Merci mon Général !
Le gros Tim O’Ripile intervient :
                -Je crois que nous n’avons plus rien à craindre de cette traversée.
                -Tabêdolé dan ton bênouze! répond l’Indien.
                -Que dit-il ? s’intéresse James.
                -Il dit que  la vérité sort toujours du gros colon !
            -Nous devons cependant nous mettre en route très rapidement, pour le cas où les l’Araff Abian feraient un rappel, prévient le Général.
    Les rescapés reforment une colonne et reprennent leur traversée, en se dirigeant vers le soleil couchant, vu que c’est toujours la route que prennent les héros de l’Ouest à la fin des histoires, même si ce n’est pas par-là qu’ils doivent aller, mais c’est leur problème. La suite de la traversée se déroulera sans accroc.
Les Irlandais s’établiront dans l’Ouest et pourront conter cette merveilleuse aventure à leurs petits enfants, au coin du feu, lors des longues soirées d’hiver. Le Général  Téjnou et ses hommes affronteront encore bien des dangers lors des multiples traversées qu’ils effectueront dans leur mission d’escorte.
Notre ami l’Indien a retrouvé son animal de compagnie et a rejoins sa tribu sur les collines. Finalement tout est bien qui finit bien dans le meilleur des mondes.

    Tu peux te réveiller, lecteur assoupi, le film est terminé.
Cet épisode de l’Ouest américain m’a donné envie de changer d’air. Je crois qu’un peu de vacances me feraient le plus grand bien. Tu viens avec moi ?…

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12 mars 2008

arts contents pourris

                                                      «Arts contents  pourris»

   

« -J’aurais voulu être un artiiiiiiiiiiste ! »
    (Jack l. à François M.)
    -« Ta gueule, j’ai Carole B. sur l’autre ligne ! »
    (François M. à Jack L.)




          Lorsque les beaux jours reviennent, un de mes grands plaisirs est de m’installer à la terrasse d’un café et d’observer mes concitoyens. C’est fascinant. Le spectacle de mes frères humains défilant, à la fois désespérant de bêtise et si attendrissant dans leur candeur est pour moi une récréation dont je ne me lasse pas.
Choisis une rue passante du centre ville, piétonne de préférence, installe-toi à la terrasse d’un café et observe. La position assise te confère un sentiment de supériorité sur tes frangins bipèdes en mouvement. Prends une personne au hasard et ne la quitte pas des yeux. Remarque ses gestes, ses mimiques, son comportement. Note son attitude lorsqu’elle croise furtivement son reflet dans une vitrine : l’impétueux besoin de se mirer, comme pour se rassurer de l’image qu’elle véhicule. C’est très enrichissant, tu seras captivé et tu en apprendras beaucoup sur les autres et donc sur toi-même, si tu es attentif, lecteur ébahit.

       Un après midi, donc, confortablement installé à la terrasse d’un débitant de boissons, de conneries banales et quotidiennes, au rire gras et à l’haleine chargée de saucisson à l’ail qu’il garde en réserve pour la journée dans ses caries si grosses qu’il se cure les dents avec une cuillère à soupe, un après midi donc, je noyais ma mélancolie et calmais ma misanthropie chronique en ingurgitant nombre de boissons anisées d’environ 45°.
Je me délectais du défilé permanent des homo sapiens citadins qui déambulaient nonchalamment. Un vrai défilé du cirque Pinder : des grands, des gros, des petits, des moches, des beaux, des play-boys, des play-girls, des play-mobiles, des jeunes, des vieux, des mi-vieux, bref une galerie très complète de tout ce qui a deux bras, deux jambes et une carte d’électeur.
Je fus soudain tiré de ma torpeur par un beuglement digne d’une dinde à qui on vient d’apprendre qu’on est le 25 décembre :
« Bruuuunooooooo !!! »

Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, Bruno c’est moi. Je me dressai et vis venir vers moi une sorte de gallinacé à mini jupe, dont la tête, qui était animée du curieux mouvement de va et vient à chacun de ses pas et qui semblait picorer, était surmontée d’une énorme choucroute filandreuse et blondasse. Je tentais tant bien que  mal de mettre un nom sur cette rescapée de basse cour. Elle s’approcha de moi et m’embrassa goulûmment sur les joues. Je remerciai le ciel de n’en avoir que deux à sa disposition, ce qui limitait le contact gluant de ses lèvres peinturlurées sur mon épiderme facial, inapte à subir de telles agressions buccales de volaille excitée, sans y être préalablement préparé. Devant mon air étonné, elle s’inquiéta :
« -Tu ne me reconnais donc paaaaas ?
-Mais si, bien sûr ! », répondis-je avec la même sincérité de ton cancérologue quand il t’affirme que tout va bien, mais qui tient néanmoins à te revoir le mois suivant, on n'sait jamais.
Je considérais ma suceuse de joues, mais rien à faire, ma mémoire se refusait à mettre un nom sur ce dérivé de volaille. Grande, blonde javellisée, un nez picoreur, une grande bouche dentée de telle sorte que les pratiques fellatoires lui étaient interdites sous peine d’arracher quelques copeaux au malheureux téméraire qui se serait hasardé dans ce piège à loup.

« -Que deviens-tuuuuuu ? » me demanda-t-elle, en s’installant face à moi, sans que je ne  l’y invite.
Je lui répondis que je devenais ce que je suis, ce qui est la façon la plus judicieuse de répliquer à une telle question, sans avoir à en dévoiler d’avantage.
-Et ton livre, il avaaaannnnnce ?
-Oui, à grands pas ! lui répondis-je en toute sincérité. Tel que tu me vois, je suis en pleine inspiration.
-Je pourrais te mettre en contact avec de véritables écrivains, ils seraient de bons conseils ! »
Cette phrase fut pour moi une révélation. Tout me revenait, à présent. Elle se nommait  Edith Horial. J’avais croisé cette dinde bariolée quelques semaines plus tôt, chez un ami qui m’avait convié à vider une bouteille de bon whisky. Lors de cette soirée d’ivresse, son passage ne fut qu’anecdotique. J’avais juste retenu qu’elle rédigeait des articles dans une revue d’art. Nous avions échangé quelques banalités autour d’un verre puis  elle s’était éclipsée. J’aurais été incapable de la reconnaître, si je l’avais croisée dans la rue, au salon de l’agriculture, peut-être. Par contre, elle m’avait reconnu tout de suite. Les gens sont incroyables, il suffit d’avoir partagé 5 mn de leur existence, vous voilà devenu amis pour la vie.
« -Je crois que de vrais écrivains pourraient te donner quelques bons tuyaux »
Je déclinais sa proposition, n’ayant pas l’intention de me lancer dans la littérature, ni dans la plomberie.
« -Que fais-tu dimanche ? »
Pris de court, je ne sus que répondre, mais elle s’en chargea à ma place :
« -Puisque tu ne fais rien, je t’invite à un vernissage. C’est un ami qui expose, tu verras, ce sera hyperrrr top ! »
Je promis d’y faire un saut. Elle sortit de son sac à main, une feuille de papier un peu plus petite qu’une toile de parachute, sur laquelle elle nota l’adresse de son Picasso des banlieues et que j’eus toutes les peines du monde à plier et à rentrer dans ma poche. Elle me quitta en hurlant un
« Salut à dimaaaaanche !! », suivi d’un rire d’hystérique épileptique, qui fit se retourner dans notre direction 350 visages interrogateurs sur les raisons d’une telle exubérance zygomatique.

          Le vernissage a lieu dans le charmant petit village de Gratmoy-le-Bout. Il n’est pas très facile à repérer sur une carte routière. La seule indication susceptible de me le situé est qu’il se trouve entre Lille et Perpignan, ça peut aider. Après plusieurs heures d’exploration campagnarde, je finis par y arriver. C’est un joli hameau situé entre deux bosses de verdure. Certes, tous les hameaux ont deux bosses, mais pas aussi feuillues.
Il me reste maintenant à dénicher l’endroit où se situe le vernissage. Ce n’est pas bien difficile, j’avise quelques véhicules de grosses cylindrées stationnés devant un hangar branlant. Je m’attendais à débarquer dans une galerie, voire une salle des fêtes, et je me retrouve face à une bâtisse aussi croulante qu’un souverain pontif, oublié au soleil, en plein mois d’août, sur le balcon de la place st Pierre.
J’entre. A l’intérieur, c’est la pagaille. Des personnes costumées et cravatées s’agitent dans tous les sens. J’avise alors ma chère pintade blonde et l’interpelle. Dès qu’elle m’aperçoit, elle ne peut s’empêcher de glapir :
« -Brunoooooo ! Tu es venu, comme c’est gentiiiiiil, hi, hi, hi !! »

Elle me saute au cou et m’aspire les deux joues frénétiquement. Je l’interroge sur les raisons de cette agitation. Elle m’explique que les tables prévues pour supporter le buffet ont été réquisitionnées pour le banquet des anciens éleveurs de gastéropodes retraités et qu’un vernissage sans buffet, c’est comme une omelette sans œufs : ça manque de goût ! C’est à croire que l’œuvre de l’artiste est exposée sur le buffet, tant il est important pour le bon déroulement de la fête. Finalement, tout rentre dans l’ordre : des fermiers du coin fournissent des tréteaux, très tard, mais le principal est que le vernissage débute.
    Le hangar est séparé en deux par un très beaux rideaux en velours rouge. C’est derrière cette séparation que l’œuvre de l’artiste est exposée. Mais auparavant, les convives doivent se restaurer, ce que l’on comprend aisément, surtout s’ils ont eu les mêmes difficultés que moi à atteindre le lieu sacré du vernissage de l’esthète adulé.
Durant ce « lunch », comme on dit dans les milieux « in », les invités en profitent pour faire connaissance et échanger quelques points de vue sur les dernières tendances artistiques. Le tout dans un climat de frénésie boursière, quand le « CAC 40 » à perdu un demi-point, chacun tentant d’émettre son opinion, si importante pour l’avenir de l’art, un ton au-dessus du voisin qui lui renchérit encore un ton au-dessus, si bien qu’à la fin, on croirait assister à la criée d’un marché aux poissons dans un port méditerranéen.

    Je m’approche du buffet, afin de me sustenter. Ma suceuse de joues me rejoint presque aussitôt. J’en profite pour l’interroger sur l’œuvre de l’artiste.
« -Comment, tu ne le connais donc paaaas ?
-Non, avoué-je humblement. Comment s’appelle-t-il ?
-C’est incroyaaaaable ça ! Il se nomme Yvan De Ladobentoil. Me ferais-tu croire que tu n’en as jamais entendu parleeeeer ? Il est l’artiste le plus doué de sa génération. Tu n’es pas très au faîte des tendances artistiiiiiques !
-Si, justement, c’est peut-être pour ça qu’il m’est totalement inconnu !
-Hi hi hi hi ! Quel coquin tu eeeeeeeees ! »
    A ce moment là, l’artiste fait son apparition. Imagine un grand dadais à queue de cheval. L’âge incertain, ou un certain âge, difficile à dire. Disons entre 20 et 60 ans. Comme tous les artistes de son temps, il a le crâne dégarni et la barbe hirsute. Son apparition provoque des remous dans l’assistance, chacun tentant d’approcher le prodige. Je vois ma dinde se précipiter et lui tourner autour. C’est à ce moment là que je me dis que le mot basse-cour prend son sens le plus profond. A les voir parader, le coq et sa cour, j’ai l’impression d’assister au rite initiatique secret de quelque secte d’illuminés. Après cette brève, mais indispensable parade prévernissage, le maître va prendre la parole. Il écarte les bras pour réclamer le silence nécessaire  à la bonne compréhension  du flot de paroles, si riches de génie que constitue de son discours inaugural. Les volailles paradeuses cessent leurs déambulations hypnorgasmiques, les hommes se taisent. Seuls quelques grossiers personnages ont l’outrecuidance de se racler la gorge, comme si c’était eux qui allaient prendre la parole, ou si ça leur servait à mieux entendre.
    Le génie explique son œuvre, le pourquoi du comment, la façon dont ça lui est venu ce talent unique et les motivations qui le poussent à partager son art  avec le grand public, les communs, c’est à dire nous, les cons. Je ne comprends qu’un mot sur deux, tant ses explications sont vaseuses.
Les autres n’ont rien capté non plus, néanmoins lorsqu’il se tait, l’assistance l’applaudit et le porte en triomphe. Je remarque même le coquin manège d’une bourgeoise, qui doit approcher du record de longévité de Jeanne Calment, mais qui tente au moyen de divers artifices qui feraient le bonheur d’une entreprise de travaux publics, de paraître 90 ans de moins, histoire de rester dans la vague. Les apparences sont parfois trompeuses. Les appâts rances, devrais-je dire ! Je vois cette rombière manucurée profiter de l’agitation et l’euphorie du moment, pour s’approcher de l’artiste et lui palper la braguette, se demandant s’il a autant de talent à manier ces outils là, qu’il en a à utiliser ses pinceaux et ses tubes de colle. Le Dali de Gratmoy-le Bout, doit être habitué à ce genre de manifestation tactile, car il réagit à peine et ne tente rien pour cesser ce massage lubrique.

    Enfin le rideau s’écarte, nous dévoilant la matérialisation de l’inspiration divine de l’artiste. L’assistance émet des « oh ! », des « ah ! », il me semble même avoir perçu un « y ! », émis sans doute, par un admirateur étranger. Il y en a pour tous les goûts, et  tous les égouts aussi. Pour tous les goûts, peut-être, mais pas les miens en tout cas. C’est plein de couleurs mélangées, au gré de l’inspiration du Van Gogh moderne. Du « Vend Gogue », devrais-je dire. Je m’approche d’une toile bariolée, agressive à la rétine, qui représente, ben…je ne sais pas. Je me penche légèrement de manière à  consulter la légende qui accompagne cette féerie des couleurs, et je lis :
« Extase post symptomatique primaire et ultime de la dégénérescence cosmologique de l’état second ! »
Rien que ça ! J’interroge ma pintade, qui m’a rejoint, sur la signification de cette obscure définition.

« -Ca représente un coucher de soleil sur le port de pêche d’Orléans, vu par notre conscience extatiiiique !
-Il n’y a pas de port de pêche à Orléans ! m’exclamé-je.
-C’est pour ça que c’est géniaaaaal ! C’est à notre inconscient universel de faire abstraction de la réalité, au profit de notre imaginaire transcendantaliiiiste !
-Et ça se vend ?
-Très cheeer ! Pour tout dire les gens, au faîte des dernières tendances artistiques, se l’arrachent. Tu comprends, ces œuvres-là sont uniques et sont réservées à une élite culturelle, élite à laquelle très peu ont accès. Une toile comme celle-ci n’a pas de prix, disons entre 10000 et 20000  euroooos !
    J’en ai entendu suffisamment. Je prends congé de ma volaille artistique, en lui priant d’aller saluer l’artiste de ma part en lui recommandant de persévérer, il est sur la bonne voie. Laquelle, je ne sais pas, mais la bonne voie quand même.
Avant de quitter ce joli monde, je prends soins de corriger quelque peu la légende du tableau admiré. L « extase post symptomatique » devient : « Vomi de fin de banquet d’hépatique chronique, clôturant un colloque sur le thème : les huîtres d’Oléron pas fraîches, faut-il en reprendre ? » Je suis sur que ça plaira et c’est surtout plus proche de la réalité.

       Cheminduretourant (du verbe cheminduretourer qui signifie « rentrer chez soi »), je m’interroge sur cette pathétique exhibition artistique. Pourquoi tant de cinéma, d’hystérie, de mise en scène pour quelques toiles qui seront oubliées dans quelques années ?
L’univers des enculturés mondains est vraiment étrange. Seuls quelques-uns uns y croient véritablement et vivent à fond dans leur monde de crétins bariolés. Ils sont heureux, loin des réalités quotidiennes, ils matérialisent leur pensée délirante en tentant d’y donner un sens.
Les autres, eux, simulent. Ils tentent d’intégrer ce milieu extravagant, pour paraître à la page, ne rien manquer de la dernière tendance. Leur arme, c’est leur langue. Ce sont des lécheurs d’artiste. Ils lèchent de bas en haut, de droite à gauche, entre les orteils, sous les bras, les pieds, les mains, les oreilles, enfin tout ce qui est à portée de langue.
Ils sortent au théâtre, au musée, sont invités aux vernissages. Ils ont tout compris de l’art, surtout le leur. Il consiste à ne pas s’assoupir pendant des représentations plus proches du soporifique que du divertissement. Durant le spectacle, la moitié a baillé, l’autre a pensé à ses prochaines vacances à «st’trop de pez », et pourtant lors du dernier tombé de rideau, ils se lèvent tous et applaudissent à tout rompre. Les plus jeunes réveillent les plus vieux, et les plus gâteux cherchent leur râtelier sous leur fauteuil, en profitant de l’occasion pour remettre en place leur couche « confiance » avec les petits élastiques là, pour éviter les fuites.
Standing ovation ! Ils frappent frénétiquement dans leurs mains embagousées,  de manière à montrer qu’ils ont bien tout compris de la représentation et à quel point ils sont avant-gardistes. A les voir si heureux, tu pourrais penser, lecteur captivé, qu’ils n’ovationnent pas les comédiens, mais qu’ils manifestent leur bonheur d’avoir pu  tenir jusqu’à la fin du spectacle.
Et c’est pas fini ! Lors des vernissages, ils trouvent futuriste, désolé, mais c’est  leur terme, une superbe tache verte sur fond orange, et expliquent les mystères de la création en admirant, béats d’extase, un savant assemblage de tôle ondulée et de tringles à rideaux sur fond de rouille !
Ce sont les douaniers de la culture. Pour avoir du talent, il suffit d’avoir des connaissances, et tu peux te permettre d’exposer n’importe quelle horreur. 

    Les culturés, je sais que ça ne se dit pas, mais je ne suis qu’un ouvrier après tout, ne s’intéressent pas uniquement à l’art. Ils brassent également la connaissance et le savoir. Il existe aussi de beaux spécimens dans ce domaine là. Il y a ceux qui savent et qui n’en font pas un fromage : les humbles. L’humilité fait partie de l’instruction. Ils se taisent et se gaussent en silence des conneries proférées par leurs contemporains.
Puis il y a ceux qui savent et étalent leur culture comme on étale du beurre sur une tartine. Ceux-là pensent être intelligents, alors qu’ils n’ont qu’une bonne mémoire. Lorsqu’ils sont devant un miroir, ils croient qu’ils réfléchissent alors que c’est le contraire (ça, c’est pas de moi, mais je trouve la formule jolie, donc je te la fais partager, c’est gentil, non ?).
Leur spécialité, c’est la récitation, du par cœur, sans réflexion. Puis enfin, ceux qui ne savent pas, mais prétendent le contraire. C’est en société qu’ils sévissent. Ils réussissent l’exploit de participer à une discussion sans rien dévoiler de leur belle ignorance.
Ce sont les  maîtres de l’illusion. Tu peux facilement les repérer dans un dîner ou une réunion, lecteur attentif. Ils ont à leur disposition toute une panoplie d’expressions passe-partout, qui permettent de participer au débat sans compromettre leur statut d’enculturé :
« En effet ! C’est une évidence ! Certes ! J’allais le dire ! Et comment ! Pour sûr ! Exactement ! Ben voyons ! Etc. … »
Il leur arrive, en période faste et euphorique, de cumuler plusieurs de ces expressions pour donner plus d’appui à une affirmation :
« En effet, c’est exactement une évidence, j’allais le dire, j’en parlais l’autre jour avec Germaine, hein, Méméne ? »
Acquiescement de l’épouse interpellée par son mari. Lorsque que tu les as repérés, lecteur alerte, ils sont alors faciles à piéger. Pose-leur une question directement. S’ils ignorent la réponse, ils prennent indubitablement cet air mystérieux qu’ont tous les constipés, lorsqu’on leur dit qu’ils ont mis du temps et qu’on n’a pas entendu le bruit de la chasse d’eau. Un petit sourire narquois au coin des lèvres, ils déclarent alors :
« C’est une bonne question, je te remercie de me l’avoir posée. Mais z’avant d’y répondre, j’aimerais revenir sur le sujet de tout à l’heure ».
Ils se sentent pris au piège de leur criante inaptitude à  débattre du sujet. Alors, la tête basse, ils rentrent chez eux, emportant leur fardeau d’inaptitude à l’intelligence sous le bras. Ils diront simplement à leurs épouses :

« Tu vois Germaine, (dans les cas graves, ils l’appellent « Germaine ») ils n’ont rien compris de ce que je leur ai dit. Ma pensée avant-gardiste les a dépassés.
-Ils sont vraiment très cons, rétorquera leur femelle. Et en plus, j’ai filé mes collants !T’as sorti le chien ? »
Puis ils s’étendront mornement, dans la froideur de leur couche au senteur de vizir. Ils écouteront, avant de s’endormir, un disque de Richard Clayderman, pensant sans doute qu’il s’agit d’un compositeur né à Vienne au début du siècle.
Mais je vois que tu commence à t’ennuyer, lecteur assoupi, je t’ai vu baillé, tu te fous de mes états d’âme ? Moi aussi, je tente seulement de te les faire partager. Il fallait bien que je m’occupe l’esprit sur le chemin du retour de Gratmoy-le-Bout. Je suis arrivé chez moi. Réveille ta copine, on va passer à autre chose, je vais allumer la télé, ça va me changer les idées et à vous aussi. Je crois qu’il s’agit d’un western, ça va nous revigorer, on va se marrer…


11 mars 2008

Masse qu'agace


                                                                          « Masse qu’agace »



« Mon plus grand désir est de rencontrer le Père Noël, surtout depuis que je sais qu’il ne se déplace qu’avec des Reines »
S. Bern, lécheur mondain.

« T’as d’beaux œufs, tu sais ? »
  J. Gabin à sa fermière.
« Les tiens ne sont pas mal non plus ! »
   La fermière à J Gabin.





         J'ai encore rompu. C’est la deuxième fois en un mois. La première fois, c’était avec Vaginia Lascaut. Elle collectionnait les peintures rupestres dans son intimité. Le gouffre de Padirac comparé à la profondeur et la largeur de son sexe aurait facilement passé pour le plat pays qui est le mien. On se serait cru à la montagne, quand je parlais trop fort, j’entendais l’échos. Quand j’y collais l’oreille, j’entendais la mer. Ajoute à cela les délicates effluences qui rappelaient un étal de poissonnier oublié en plein soleil de 15 août, et l’illusion était parfaite.
        J’ai rompu. Pourtant je m’entendais bien avec elle. Nous partagions les mêmes goûts pour le gin, la vodka, le whisky, et l’acide chlorhydrique, enfin tout ce qui fait 45° au-dessus du niveau de l’amer. Nous avions les mêmes prédilections pour la position horizontale, l’amour buccal, vaginal, anal et animal .
Un physique qui aurait inspiré Picasso dans sa période cubiste. Aussi haute que large, pulpeuse comme une biscotte, des jambes musclées et fermes à côté desquelles, la sous ventrière de la mère Denis passerait pour une plaque de blindage renforcée. La créature en question se terminait par deux pieds impossibles à chausser. Un cul comme la soute à bagage d’un 747, des seins qui faisaient penser à un élevage tant ils paraissaient nombreux, et qui s’agitaient au rythme de nos étreintes bestiales, comme des enveloppes de dirigeables en manque d’hélium.
Pour couronner le tout, elle avait été élue 1ère dauphine de « Miss Acné Persistant » en 1987 dans le petit village de  Samgratte dans le Bas-Rhin et, à défaut d’en avoir conservé une certaine fierté, elle en avait gardé des marques aussi définitives qu’indélébiles, qui faisaient ressembler son visage à la surface lunaire après un bombardement de météorites. Bref, tu comprends pourquoi les alcools ne faisaient jamais moins de 45°.
Comme disait je n’sais plus qui, mais on s’en fout, « si dieu a inventé l’alcool, c’est pour que les moches baisent aussi ». J’admets que c’est cruel, mais avoue, lecteur charitable qu’il y a dans cet adage une part de vérité, même si après ça, tu dois te mettre à l’eau et aux jus de fruits pour ne pas risquer de vexer ta camarade de plumard.

       Puis ce fut la rupture. Un soir, alors que je rentrais plus tôt que prévu, je l’ai surprise alors qu’elle me trompait avec un objet vibrant, gros comme une courgette modifiée génétiquement. Jamais je n’aurais pu imaginer une chose pareil de la part d’une fille dont l’intelligence était nettement supérieure à son physique, le contraire l’aurait classée dans la catégorie des invertébrés, dans la sous-classe des amibes.
D’accord, elle avait travesti l'objet en l’affublant d’un chapeau melon et d’une moustache, pour lui donner l’allure d’un monsieur, mais je ne tombais pas dans le sournois stratagème. Même grimé de ces accessoires, je le reconnus. Je leur intimai l’ordre de sortir, ce genre d’adultère n’ayant pas court chez moi. J’eus bien une brève discussion avec le vibro, mais rien n’y fit. Il ne réussit pas à me convaincre que tout cela n’était qu’une aventure sans lendemain.
Je les ai donc viré tous les deux, avec fermeté, en leur souhaitant d’un ton sarcastique de vivre heureux , à moins qu’elle ne le trompe à son tour avec le tire-bouchon, va savoir avec la perversité atavique de l’espèce femelle.  Donc, exit Vaginia.

        Quelques jours plus tard, je fis la connaissance  du célèbre mannequin inconnu : Barbara Lamoul. Mannequin, puisqu’elle défile régulièrement pour Justin Bridoux, inconnue puisque ses défilés se situent uniquement dans le rayon charcuterie du Leader Price de mon quartier et enfin célèbre, du moins localement puisque tous les mâles du coin sécrètent environ 3 litres et demi de salive rien qu’en évoquant la féérique silhouette  féline et élancée de cette délicieuse vendeuse de cochonnailles.
Lorsque je la vis la première fois, ce fut le coup de foutre. Elle distribuait de fines rondelles de saucisson, avec une grâce et un sourire rendu  coquin par le petit bout de langue fripon, qu’elle laissait volontairement dépasser de sa bouche polissonne et rieuse. Les seins ronds, fiers, dressés et libres dans l’ultra fin chemisier blanc déboutonné sur la moitié, les reins cambrés, ce qui mettait en valeur son cul extraordinairement fabuleux, moulé dans un jean si  serré qu’on aurait pu croire qu’elle fut née avec. Cette attitude allumeuse  déclenchait, chez les dégustateurs mâles, une frénésie charcutière furieuse et leur provoquait une raideur qui déguisait leur pantalon en chapiteau de cirque, ce qui les obligeait à se coller au caddie pour masquer leur trique, afin d’éviter le drame de se  faire surprendre par leurs bonnes femmes.

Quand je la vis, mon sang ne fit pas qu’un tour, mais un tour et demi, tant elle était attirante. Grande, 1m70, rien que pour les jambes. Des cheveux en bataille, couleur aubeurn (j’écris pas « auburn », tu va penser qu’il s’agit de poils pubiens), des yeux noisettes qui feraient bander un écureuil empaillé. La bouche, les seins, et le cul je te les ai déjà décrit, mais sache que je suis en dessous de la vérité, tant ses formes sont sublimes. Quand, on la voit, on oublie tout, les impôts, la droite, la gauche, le foot, les amis, on n’a plus qu’une seule envie : se coller à elle et attendre la fin du monde. Ajoute à cela un humour fin qui flanquerait des crises d’angoisse au chef de  la tribu des « Boutantrain » et tu  comprendras pourquoi la charcuterie ne s’était jamais aussi bien vendue dans ce commerce de quartier.
Elle était évidemment sollicitée par tous les habitants mâles des environs, qui revenaient, parfois, 4 fois dans la même journée faire l’emplette de saucisson, jambon et autres sous produits porcins. Le taux de cholestérol chez les hommes du mon quartier fut, à cette époque digne de figurer dans le livre des records. Je vis même quelques jeunes musulmans se reconvertir à la religion charcutière pour l’occasion.
Les assiduités de cette faune masculine, avides de contacts physiques avec ma délicieuse démonstratrice,  s’avérèrent vaines. C’est sur moi que ses yeux se tournèrent, car elle aimait mon humour et je la charmais à chaque passage au magasin en lui narrant, avec un brio exceptionnel, les dernières histoires de Toto. Cela provoquait  chez cette personne d’esprit des crises de fous-rire incontrôlables, ce qui me valait de la part des jaloux, des regards aussi noirs que la conscience d’un Stalinien pratiquant.

Elle passa quelques jours chez moi. Ce fut fabuleusement fabuleux, nous n’arrivions pas à nous décoller.  C’était le grand amour, environ 16,5cm, je tiens au virgule 5, ça fait parfois la différence. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, surtout les très bonnes. Il n’y a que le malheur qui peut s’installer durablement. Le bonheur, lui, n’est que de passage. J’ai dû rompre une nouvelle fois et j’avais une bonne raison pour ça : elle insista un jour pour regarder la météo à la télé. Me faire ça, à moi !
C’est le genre de requête qui vous détruit l’amour le plus solide, et son corps pourtant si prodigieusement attirant me parut soudain extrêmement ordinaire.
Crois-moi, lecteur naïf, l’amour, vis le à fond pendant qu’il est chaud, il refroidit vite  et ce n’est plus qu’un souvenir que tu tentes d’alimenter en faisant semblant d’y croire. C’est le grand Charles qui l’illustre le mieux . L’amour commence avec « Formidable » et se métamorphose au fil du temps en « Tu te laisses aller ».

J’aurais du me méfier, il y avait déjà eut une alerte quelques jours auparavant. Alors que nous étions couchés et emboîtés, elle eut l’idée d’une promenade. J’imaginais une promenade campagnarde ou sur le bord de mer, mais dans son esprit le mot promenade ne devait pas avoir la même signification. A la place d’une escapade rurale ou littorale, elle me proposa le centre commercial ! J’eus un instant de doute, quant au bon fonctionnement de mon système auditif. Je lui demandai confirmation, en priant le ciel de m’épargner l’authentification de ce que j’avais cru ouïr. Mon système auditif ne m’avait pas trompé puisqu’elle me confirma, justifiant son désir en ces termes : « Faut profiter, c’est les soldes ».  Je lui demandai :
-Tu as quelques chose de particulier à acheter ?
-Non, c’est juste pour se promener, et puis, c’est les soldes. »
    C’était un samedi, il était environ 15 heures. J'ai jaunit à l'idée de me frotter à la promiscuité du troupeau de consommateur qui hante le centre commercial, en quête de la bonne affaire. C’est une spécialité bien féminine. Elles ont toujours une bonne raison de fréquenter les magasins et elles l’annoncent  fièrement de leurs voix niaises de crétines abouties : « c’est les soldes, c’est les fêtes, c’est la rentrée, c’est halloween », et lorsque qu’elles n’ont aucune raison de s’y rendre, elles y vont quand même, juste pour faire un tour. Le centre commercial est devenu un lieu de promenade, comme s’il n’existait pas d’autres endroits où aller.
Je réussis m’épargner cette expédition commerciale en usant d’un stratagème grossier mais néanmoins efficace : je prétextais une panne de voiture. Impossible de démarrer. Il est vrai que j’essayais de mettre en route en utilisant la clé de l’appartement. Etant femme et donc peu initiée  aux choses de l’automobile, elle ne s’aperçut pas de la supercherie. J’échappais  à la foule des grands magasins, mais l’alerte avait été chaude.

    Puis il y eut l’épisode de la météo, qui devait briser définitivement nos élans corporels réciproques. Nous étions allongés sur le canapé, nus, accolés. Je me frottais le prépuce entre ses orteils, dans la position dite du « randonneur unijambiste », tandis que de mon index droit lui grattait le nez, que ma main gauche lui malaxait le sein droit et que mon gros orteil agaçait son adorable clitoris. Elle n’était pas en reste puisqu’elle me chatouillait l’oreille de sa langue agile et me caressait le dos avec sa plante de pied. Le tout en récitant du Verlaine. Cette position peut paraître un peu complexe à première vue, mais lorsqu’on la maîtrise, on est proche du divin et du divan. Tente l’expérience, lecteur curieux, si ta copine ne hurle pas de plaisir, c’est qu’il y a autant de différence entre elle et un bloc de glace qu’entre un orang-outang et ta belle-mère. Il est fortement conseillé de se couper les ongles de pied afin d’éviter des écorchures et autres irritations malvenues sur le clitoris, c’est douloureux et essaies d’y mettre un pansement après, tu verras comme c’est  pratique.   
     Mais revenons à mes ovins. Nous nous ébattions amoureusement et le Verlaine coulait à flot. Afin d’augmenter notre plaisir, j’avais mis dans le magnétoscope la cassette du « bêtisier des corridas ». Rien de tel que la vision d’une sombre andouille pailletée se faisant encorner par un massif bovin pour consolider une érection. Ma compagne de divan n’était pas en reste, puisque à chaque encornage  du toréconnard, elle émettait un râle de plaisir accentué également par l’action pressante et insistante de mon gros orteil.
Soudain, pour une raison encore inconnue aujourd’hui, la cassette s’arrêta et l’encorné agonisant céda sa place au visage parfaitement ordinaire, d’où irradiait le sourire faux et clinique, de la préposée à la météo, stoppant net une érection savamment entretenue par l’agacement du pied de ma complice d’orgasme sur mon prépuce survolté. Il est, en effet, difficile de bander correctement devant l’image télévisuelle d’Evelyne Dhéliat. Je  saisis  la télécommande afin de faire disparaître cette apparition sauvage de vulgarité franchouillarde.
C’est à ce moment que ma belle Barbara prononça cette phrase qui devait provoquer provoquer ma totale désérection et mettre un terme à notre relation :
« Attend 2 minutes, laisse, c’est la météo ! »
Je n’attendis pas 2 minutes, puisque au bout d’une minute trente à peine, elle était sur le palier, avec pour seul vêtement son minuscule slip qui moulait son admirable cul de conne météorologique, qui attira des regards de convoitise du voisin qui revenait de sa promenade canine, troublé au point de refermer sa porte avant que son Médor ne fut entièrement rentré, ce qui provoqua un hurlement strident du canidé mutilé.
Son sac de voyage remplit de vêtements jetés en catastrophe gisait à ses pieds, une expression de surprise animait son faciès et une lueur d’incompréhension se lisait dans ses beaux yeux de vendeuse de saucisson. Le voisin la consola, puisque environ un quart d’heure plus tard, à travers l’étroite cloison qui sépare nos appartements, j’entendis mon ex-compagne manifester son plaisir en émettant des plaintes  bestiales qui en disait long sur le chagrin qu’elle éprouvait d’une rupture aussi brutale.

    Pourquoi les autres sont-ils si différents ? Ou est-ce moi qui ne leur ressemble pas ? Quel plaisir trouvent–ils à faire comme les autres ? La foule m’effraye. Dans les stades, les concerts, dans la rue, j’ai parfois l’angoissante impression qu’il s’agit d’une seule et même personne, une entité dépourvue d’âme d’esprit critique, de liberté, de responsabilité et d’intelligence surtout.. Je ne veux pas être comme eux. Pas par choix, parce que c’est comme ça. Je n’aime pas les chanteuses braillardes, je ne regarde pas le jeu des millions, la fête de la musique, je la fais toute l’année, le nouvel an je m’en fous, je ne défile pas sur les champs élyséens, le visage grimé en bleu, blanc, rouge en criant «  on a gagné ! » On a gagné quoi ? Tu peux me le dire? Je ne tonds pas ma pelouse le dimanche après midi, j’ai pas de jardin.
Toute concentration massive de bipèdes électeurs me plonge dans l’angoisse et  l’effroi, et non pas dans le lait froid, ce qui est très bon pour la peau et non pas pour l’appeau, ça n’a rien à voir. Je ne fais pas la queue pendant 2 heures devant l’entrée d’un cinéma, pour aller assister à une quelconque projection, confortablement avachi dans un fauteuil encore chaud du cul qui précédemment l’occupât.
 
    J’attendrais que ça passe à la télé. Quoique je l’allume rarement, vu l’incommensurable balourdise des programmes.   Quoique la 5 me plait bien, elle fait figure d’encyclopédie universelle, comparée aux 4 autres réunies. Et la 6, lecteur téléphage ! La petite chaîne qui monte ! A force de monter, elle a fini par rattraper la Une ! Elle est montée bien bas, la pauvre !  
           Je n’allais pas clore ce chapitre sans évoquer la sacro-sainte météo, si chère à mes contemporains. Naguère, elle s’intégrait dans le journal télévisé. Quelques minutes en fin d’émission suffisaient à informer le public sur les  caprices du ciel. De nos jours, la météo est devenue une émission à part, après les informations. Le journal, la pub, la météo, la pub, les résultats du loto, la pub, un panorama des programmes de la soirée, la pub et enfin le film, vers 21h15, qui sera lui-même pollué par une coupure de pub, histoire de permettre au téléspectateur de se vider la vessie, et de se remplir l’estomac de Kanterbraü , à consommer avec modération ou avec quelques amis. La vulgarité n’a plus de limite.
   Souvient-toi de « La liste de Schindler » diffusé sur  Télé Fiente 1. Après ¾ d’heure d’un climat dramatique insoutenable dans un ghetto polonais, on te balance brutalement l’image irréelle d’une connasse analphaconne, dans sa cuisine,  le visage illuminé d’un sourire de crétine aboutie, qui ignore qu’il suffit d’utiliser de la lessive pour laver le linge ! Et ensuite, retour au ghetto, jusqu’à la prochaine coupure, c’est pas de la vulgarité à l’état brut, ça, lecteur béatifié ?

Mais revenons-en à la météo. Elle occupe une place prépondérante dans la vie des humanoïdes. Elle facilite le contact et le dialogue. Sans elle, le monde serait muet, rien à se dire. Grâce à elle l’homme redevient un animal sociable.
"Quel temps, hein ! "
Et c’est parti pour 15 mn de conversation hautement enrichissante sur la canicule de 76 ou les inondations de tous les ans. Faut surtout pas manquer l’émission de la veille, sous peine de n’avoir rien à raconter le lendemain !
Et elle s’étend, la sournoise, ne se contente plus des prédictions régionales ou nationales. Elle est devenue mondiale. Tu connais à présent  le climat de  la Suède ou du Nouveau Mexique en temps réel. Mais quand t’habites Lille ou Perpignan, qu’est ce que t’en a à foutre qu’il fait 3 ° à Stockholm ou 45 à El Paso, hein ?
La technologie est venu affiner l’information. Elle ne se prévoie plus uniquement les températures,  la pluie, le vent, du soleil ou des nuages, elle te propose des images satellites en temps réel, avec simulation à l’ordinateur. Tu peux ainsi voir le ciel dans le détail et être rassuré, sur ton sort. Tu peux dormir sur tes deux oreilles, le ciel ne te tombera pas sur la tête, l’ancestrale angoisse du gaulois ! Le prochain qui me parle du temps, je lui pisse dessus !

     La masse m’agasse, m’effraye, m’angoisse. Il existe, dieu merci, un monde d’art et de culture réservés à une élite, ça va me changer un peu…

10 mars 2008

lézards divinatoires

                                          « Lézards  divinatoires »


« Quand Uranus s’irrite, le Mercure grimpe ! »
   E. Fessier, voyante un peu myope.

« Cette fois, je m’éclipse ! »
                     P. Rabane, princesse égyptienne

« Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. »
(Je ne sais plus qui)



J’ai lu récemment, dans un  sondage, que 4 français sur 2 lisaient leur horoscope lorsqu’ils feuilletaient le journal. 4 sur 2, c’est quand même énorme, non ? Cela fait le double de la population, est-ce bien raisonnable, lecteur concerné ? C’est vrai que je me méfie des sondages, ils peuvent parfois prêter  à confusion, et surtout les réponses peuvent parfois être différentes selon la façon dont le sondeur s’y prend pour s’enquérir de l’opinion inestimable des sondés en profondeur, et selon la formulation de la question.
       Prenons un exemple : la grande interrogation qui hante les esprits humains depuis la nuit des temps et qui fait encore passer des nuits blanches à tous les grands penseurs : «Etes-vous favorable à l’ajout de vermicelle dans le bœuf bourguignon ? ». Il s’agit d’une colle qui, encore de nos jours, fait tourner les têtes des plus grandes sommités. Ecoutons l’avis du plus grand spécialiste culinaire de la planète, l’inventeur de la fondue éthiopienne à la sauce provençale: Sam Hijote. Sa réponse reste évasive et témoigne de l’imbroglio gastronomique inextricable que suscite une telle interrogation, si importante pour la survie de l’humanité, du moins celle qui a de quoi manger, les autres s’en foutent, quand ils ont le vermicelle, il leur manque le bœuf et vice versa. Lorsque la question lui est posée, le grand chef des fourneaux réfléchit  longuement en se grattant le front ou les couilles, si la question lui est posée au saut du lit :
        « J’sais pas, ça dépend du bœuf. » Interrogeons alors le bœuf :
        « M’en fout, pour moi ça change rien, il n’y a que Maille qui m’aille », surtout si le bovidé a Phildar pour doux sobriquet. On n'est pas plus avancé. L’ultime solution est d’interroger le peuple, sous la forme d’un sondage :
         « Etes-vous favorable à l’ajout de vermicelle dans le bœuf bourguignon ? ». 20% répondent « oui », 70% : « non », 10% de cons répondent « je ne mange que du poisson » et 10% de très cons répondent « je préfère l’estragon ». Ça fait 110%, merci de me le signaler, lecteur attentif, mais tout augmente, non ? Les sondeurs, pas plus avancés, et fin psychologues, entre deux cuites à la Jupiler, vont user d’un stratagème et reformuler la question de manière à scinder les sondés en deux catégories :
         « Faites-vous partie des 70% de français qui sont pour l’ajout de vermicelle dans le bœuf bourguignon ? ».
Le sondé a alors deux choix : soit il veut faire partie de la majorité, suivre le troupeau histoire de ne pas se faire remarquer, et répond « oui », ou il a l’esprit contrariant et anarchiste et  répond:
    « non, et nous vaincrons la majorité qui broie les minorités dans une main de fer, mais que nous recouvrirons d’un gant de velours et écraserons à notre tour, lorsque les minorités seront devenues majoritaires, on va pas se laisser emmerder par du vermicelle, quoi merde ! ».
  Le tout sur un ton rageur, en brandissant le poing vers le ciel ou dans la gueule du sondeur, si le sondé est très énervé, ou ivre, ou les deux à la fois, c’est à dire s’il est jeune. Restent les 10% de connards qui continuent à bouffer du poisson, mais on les emmerde. Mais oublions les bovins comestibles  pour revenir aux ovins, c’est à dire à nos moutons : 4 personnes sur deux qui lisent leur horoscope, si c’est pas une majorité écrasante, ça ! Même ceux qui ne mangent que du poisson ou préfèrent l’estragon. Vous n’avez pas honte ? C’est pas grave, j’ai honte pour vous.
           IL y a des coups de pied occultes qui se perdent. Quand j’entends les  divagations éthyliques des voyants, astrologues, et autres accrocs du billet de banque, bref, arnaqueurs en tout genre, j’ai la chaussure droite qui me démange et même parfois la gauche, c’est te dire, lecteur crédule. Quoique je les comprends, les marchands de magie : vendre du rêve, surtout à ce prix là est une activité très lucrative. Et 30E pour Mme Irma, et 40 pour Mme Soleil, et 50 pour Mr Mars, et ça repart !
    Le public est très friand de ce genre de salade, surtout si elle est assaisonnée de bonheur facile, de gains hippiques, de retour de Fernande après rupture ( quand j’y pense !) et de jeunesse éternelle, autant de sornettes qu’ils agitent sous le groin difforme des ânes abonnés aux arts divinatoires. Car c’est un art que de faire sortir 50E du porte-feuille ultra  blindé d’un chef d’entreprise qui la veille a refusé l’augmentation de 0,50cts que lui requérait, avec une outrecuidance rare, le balayeur Affro-Cédar de son usine.
         On atteint un haut degré de perversité lorsque les puissants industriels ont recours aux services de « morphopsychologues » diplômés, vus à la télé, pour recruter leurs personnels. Pour la modique somme de 400E  par séance, ils expliquent au malheureux postulant, qu’il ne pourra pas accéder au poste de tourneur-fraiseur-trentecinqueur parce qu’il a un nez tordu, un lobe d’oreille trop pendant ou un doigt de pied trop grand. Le pauvre bougre mal foutu n’aura plus qu’à se faire aligner la cloison nasale, redresser le lobe ou raccourcir l’orteil, s’il ne veut pas passer le reste de sa vie entre l’Assedic et les stages de reconversion à pas grand chose.
          Le morphopsychologue le plus célèbre fut Hitler, qui refusa avec une obstination farouche, l’entrée à son gouvernement à quiconque avait le nez et les doigts crochus. A l’époque ses idées faisaient fureur et sont, de nos jours, encore très prisées par certains partis d’extrême-cons.
    Il y a, néanmoins un morphopsychologue qui sommeille en chacun de nous, juste à côté du cochon. Même chez toi, lecteur hideux. Lorsque tu croises un quadragénaire au regard quelconque inexpressif et au visage bouffi et rubicond à force de gargarismes au Préfontaine, ne penses-tu pas aussitôt : « Il a une belle tête de con! » ? Ou lorsque tu suis, en admirant hypnotiquement dans la rue, le superbe cul trémoussant d’une superbe conne, ne penses-tu pas : « Ah ! la salope ! » ?
A la lumière de ces exemples frappants, tu peux constater de toi-même  que nous sommes tous en mesure de deviner certains traits de caractère de nos contemporains uniquement à la vision de deux joues fessues, pour le premier exemple, ou de deux fesses joufflues pour le deuxième. Moi-même, la première fois que je vis Boris Eltsine à la télé, je ne pus m’empêcher de penser qu’il avait mis de la vodka dans son moteur.
        Il m’est arrivé de consulter un voyant, poussé par la curiosité qui l’avait emportée sur la raison, qui me fit des révélations surprenantes. Dès mon entrée dans son cabinet de consultation ( c’est comme ça que ça s’appelle, mais si les sorciers se prennent pour des médecins, où est-ce qu’on va, hein ? ) dès qu’il me vit entrer disais-je, il me dit d’un ton d’outre-tombe :
« Vous êtes un homme ! », ce qui m’a beaucoup surpris.
« Vous êtes âgé de 20 à 40 ans et vous êtes myope ! ».
Il est vrai que j’avais oublié d’ôter mes lunettes. A propos de lunettes, je remarquai que son appendice nasal en était chaussé. De véritables lunettes de bigleux, avec des culs de bouteille d’une épaisseur inversement proportionnelle à l’intelligence observée dans le regard hébété par le pastis, de certains fonctionnaires de police en exercice. Il était aussi myope qu’un électeur moyen. Cela me parut suspect pour un voyant. Je notai également la pâleur de son visage, une belle couleur cadavre et que son haleine rappelait le fumet délicat d’une fosse sceptique d’un gettho des faubourgs de Rio.
Etant d’un naturel méfiant, surtout quand ça concerne le faux mage blanc pas frais, je m’interrogeais à propos des conneries prophétiques qu’il allait me sortir et le branchais sur mon avenir d’un ton sarcastique. Après 5 mn de transe orgasmique, il me déclara, sûr de lui :
« Vous allez me donner 30E ! ».
La prophétie était juste et je lui refilai à contre cœur . Il se lança alors dans un charabia aussi inaudible qu’une conversation qu’aurait eu Gainsbourg avec Françoise Sagan. Là où il s’est mis le doigt dans l’œil jusqu’au genoux, l’extra pas très lucide, c’est quand il a prédit qu’il allait me revoir. Il devait avoir de la buée sur ces lunettes, à ce moment là. Quitte à perdre 30E, je préfère aller consulter les jolies voyantes un peu dénudées de la rue St Denis. Au moins quand elles me prédisent 10 mn de bonheur, ce ne sont pas des paroles en l’air, surtout dans les périodes de pénuries copulatoires avec les femelles de mon espèce.
    Une collègue de travail, grande blondasse hyper moderne, experte en conneries télévisuelles, bulletin météorologique, horoscope, astrologie et plus si affinité, a insisté pour établir mon thème astral. J’ai été ravi d’apprendre que j’avais le Saturne dans le Neptune, le Mercure dans la Lune et la Vénus dans le Milo. Le tout par rapport à un plan équatorial et elliptique, équidistant de l’axe  Lille-Syrius en passant par Mantes-la-jolie, la première à gauche au feu rouge et puis tout droit, tu peux pas te tromper. Elle m’annonça qu’avec un tel thème, je ne pourrais jamais postuler au poste de petit rat à l’opéra de Paris. J’en fus contrit.
    Le succès de ces charlatans est considérable. Tous les ans, dans un centre commercial situé près de chez moi, une semaine de la voyance est organisée. Là, une horde de pompeurs de pognon, d’astro-vampires, prêts à sucer jusqu’au dernier centime le porte monnaie de leurs crédules victimes, investit la galerie marchande du centre commercial, guettant leur  prochaine proie, telles de hideuses et velues tégénaires affamées.
Ils s’installent dans des box aux décors surréalistes, tapissés de coupures de journaux vantant leurs exploits divinatoires, médaillés de la Croix Vécé, diplômés de l’université de Jarnac, primés au grand concours de Sir Con Stance, guérisseurs       de blennorragies pontificales et bien évidemment vus à la télé en compagnie des plus grands crétins cathodiques. Leur clientèle, presque exclusivement féminine, ce qui démontre, si besoin est, que nos femelles ont encore du chemin à faire pour parvenir à notre stade d’évolution, leur clientèle, disais-je, avant de me faire des amies chez les féministes (je vous adresse de gros et tendres bisous sur vos mignons clitos  incandescents, mes chéries), queuleuleute devant les box. L’anxiété se lit sur les visages crispés par l’attente de l’annonce espérée de quelque bonheur hypothétique, pour le prix d’un dîner chez « Castel ». Ces mêmes braves gens, rassurés sur leur avenir de conte de fée, fustigeront du regard le SDF qui « avotreboncoeurm’sieurdames » à la sortie du centre commercial.
  On se souviendra que le changement de millénaire a été très bénéfique pour les vendeurs d’apocalypse. J’ai même été tenté de construire un abri anti atomique dans mon jardin, mais j’habite en appartement. J’ai donc prié tous les saints   pour que le ciel ne me tombe pas sur le coin de la gueule le 1er janvier à 0h00.
Finalement tout s’est bien passé, sauf que j’ai forcé sur la vodka et tout dégueulé sur le beau tapis de Tante  Gudule mais ça reste anecdotique par rapport à tout ce qu’avaient annoncé les prédicateurs de mauvaise augure.
  L’éclipse solaire  du 11aout également fut très prisée par les prêcheurs de catastrophe, notamment par  ce marchand de chiffons illuminé, bête au point qu’il ressent un grand sentiment de fraternité lorsqu’il entend prononcer le mot « âne ». Cet expert en divagation éthylique interpréta à sa manière un dessin mural découvert dans une grotte. Ce dessin expliquait, d’après ce sous débris de l’humanité, que le 11 août Paris serait détruit par la chute inopinée d’une dose de Mir. Elle est pas belle celle-là ? Le tout accompagné de la sortie d’un livre et d’apparitions aussi promotionnelles que télévisuelles. Evidemment, rien de tout ça n’arriva, et pas con, le Rabane nous expliqua qu’il s’agissait d’une erreur d’interprétation du dessin de la grotte occulte. Note que son magasin parisien était quand même resté ouvert le 11 août, il n’allait  pas perdre une journée de chiffre d’affaire, même le jour de l’apocalypse, tu penses !
    Je le préférais en princesse égyptienne, il nous les cassait moins.
  Quant aux amateurs de prophéties en tout genre, au lieu de dépenser votre RMI chez des incompétents, envoyez –moi vos chèques, je vous ferais des prédictions pleines de bonheur éternel, c’est promis, juré, craché .
    Je terminerais ce chapitre édifiant par une petite mise au point sur l’astrologie (je l’écris en petit, sinon je vomis !). Un peu de culture scientifique ne peut pas te faire de mal, lecteur constipé.
Les bases de cette science des ânes ont été établies il y a 2000 ans, à une époque où les hommes pensaient légitimement que le monde était gouverné par des forces z’occultes, z’étranges z’et z’obscures . La science a depuis évoluée, pas l’astrologie, qui fait figure aujourd’hui de fossile de l’esprit. Les astrologues (ça y est j’ai vomi !) n’ont jamais tenu compte de la précession des équinoxes, qui a fait dévier les constellations d’environ une constellation depuis la conception des signes z’astrologiques (ça me reprend !). Ainsi, le soleil avait beau être dans la constellation du Scorpion le jour de ta naissance, lecteur attentif, pour les astrocons, tu seras quand même du signe du Saggitaire. Pense z’y  quand tu liras ton horoscope.
Quant à l’influence gravitationnelle, il est facile de démontrer que la force de gravité du médecin accoucheur sur le nouveau-né est plus importante que celle de Mars. (Source : Marc Séguin et Benoît Villeneuve dans « Astronomie et Astrophysique)
Croire en l’astromachin équivaut de croire, à notre époque, que la terre est plate ou que le « juste prix » ( j’ai encore vomi) est une émission culturelle. Il ne tient qu’à toi d’inverser les sondages.

   

Tout cela te démontre, lecteur hébété, combien il est aisé de manipuler les masses et que si on ne peut pas tout savoir, il est quand même important de ne pas mourir idiot, ne serait-ce que pour te présenter devant notre Saigneur avec un minimum de culture, ça lui fera plaisir de savoir que t’as pas perdu ton temps sur terre. Mais revenons à la masse, si compacte, comme les pingouins sur la banquise, bien serrée comprimée, comme pour bien se réchauffer au doux foyer de la bêtise conditionnée….

7 mars 2006

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27 février 2006

crise de foi

« Crise de foi »

            

« Qui  s’endort avec le culte qui gratte, se réveille avec la foi qui pue. »
                              
Pape Pi 3.14 (16 ap JC)

               « Quand Jésus crie, les âmes s’terrent ! »
                             Juda Nana (sœur de l’autre)

      

« Laissez venir à moi les petits enfants nus ! »
               Père Verti, curé à Colmatte- le- Petit   (Bas-Rhin) 



                                                       

    C’était une jolie matinée ensoleillée. Une de ces matinées dominicales campagnardes où l’on aime se promener sur les sentiers, dans les sous-bois, à voir courir les lièvres, à écouter la mélodieuse symphonie des emplumés, à humer les subtils parfums chlorophylliens, à caresser les feuillages humides de rosée et à goûter les baies sauvages à la saveur légèrement acide. Une matinée paisible et enivrante qui comble les 5 sens rien qu’en y repensant, et que l’on voudrait éternelle.
    Les premiers rayons du soleil faisaient scintiller les perles de rosée, fragiles diamants délicatement éparpillés au hasard du vent, sur la végétation abondante, où quelques gastéropodes, pas encore persillés, laissaient des traînées humides et parfumées. Je flânais du pas négligé du fonctionnaire qui revient de la machine à café, en compagnie de mes deux chiens, deux superbes colleys nommés : Lassie et Lassol.
    Cette harmonieuse quiétude semblait défier l’éternité. Mais, de nos jours, l’éternité ne dure plus très longtemps. Aux doux gazouillis des rossignols, rouges-gorges et autres étourneaux, succéda l’infroyable  (je viens de l’inventer, c’est le mélange de  « incroyable » et de  « effroyable ») l’infroyable tintamarre apocalyptique des cloches de l’église du  village voisin ! Les lièvres se terrèrent ! Les oiseaux s’envolèrent ! Les arbres tremblèrent! Les baies tombèrent ! Les escargots se coquillèrent et les colleys optèrent, pour la fuite.
    A l’instar du berger sonnant le rassemblement de ses brebis, le curé du village manifestait par ce vacarme dantesque, le désir de regrouper, dans son bordel à prières, sa horde de bondieusards. Est-ce que j’ameute le voisinage quand j’invite copines et copains à partouzer chez moi ?
    Je m’aventurais jusqu’à la place du village. Triste spectacle ! Les fidèles, comme mus par une force hypnotique, sortirent du café-tabac-épicerie-coiffeur-bazar et pénétrèrent dans le sanctuaire de la mauvaise foi et du bûcher réunis. J’imaginais ces esclaves du culte se prosterner, se lamenter, espérer un geste du « notre père qu’êtes osseux », et un pater pour la rougeole du petit dernier, et un navet pour le tambour de la machine à laver qui est en panne, et pardonne-nous nos offenses à venir, comme nous ne pardonnons pas toujours à ceux qui nous ont juste à peine  offensé. Donne nous notre vin quotidien, et pense au loto de samedi, c’est la cagnotte, fais pas le con, Amène !
    Toutes ces légitimes demandes sont adressées à la sainte trinité, qui étant absente depuis un bon moment déjà, enregistre les messages sur son répondeur divin numérique. Elle a certainement du égarer le mode d’emploi ou il y a de friture sur la ligne, car seuls quelques mystiques parviennent à obtenir la communication. Comme il s’agit, en général, de mystiques mâles, dieu merci, ils ne piquent pas.
    Les fidèles prient dans un silence de mort, à peine troublé par quelques émanations gastriques, qui nous rappellent que, même proche du divin, l’homme reste un être organique. Après cette orgie de bons sentiments hypocrites, le prieur dominical retourne au café-tabac-épicerie-coiffeur-bazar où, en se remplissant de diverses boissons fermentées, il entamera son capital pardon en maudissant ouvertement : les Arabes, à l’exception évidemment de ceux qui marquent des buts avec leur tête contre le Brésil, les politiciens, les homos, les femmes, les jeunes et les buveurs d’eau.  Le tout avec une virulence proportionnelle au degré d’alcool contenu dans les (trop) nombreuses boissons ingurgitées.
    Mes rapports avec dieu n’ont jamais été très sains. Tout petit, alors que j’étais un enfant merveilleusement intelligent (mais ça, tu le sais déjà), j’appris que le père Noël n’existait pas. Je n’avais jamais osé mettre mes pantoufles devant la cheminée de peur de provoquer un incendie, car comme nul ne l’ignore, la nuit tous les chaussons grillent ! Puis je fis la connaissance de dieu. Maman avait eu l’idée sotte et grenue de m’inscrire au catéchisme. Plein de curiosité, je m’y rendis, malgré le coup du faux père Noël qui avait bien du mal à passer. On apprend aux enfants qu’il est déloyal de mentir, et tous les 25 décembre, on bassine les gosses avec un mensonge plus gras que ceux qui le répandent. Les adultes ne sont pas en reste non plus, puisque, tout en se gaussant des enfants attardés qui attendent toujours l’arrivée de l’homme au traîneau, ils se précipitent aux urnes ou à l’église à la première occasion. Après tout, chacun voit le père Noël où il veut. Les adultes sont de grands enfants finalement.
     J’en étais au catéchisme.  Je fus reçu par une vieille morille bigoteuse, séche comme un pied de vigne. Elle me fit asseoir parmi d’autres enfants et commença son discours de propagande, au nom du père, du fils et du st Nectaire. Elle expliqua au parterre d’innocents que nous étions que Jésus était le fils de dieu, mais aussi de Joseph. Finalement, c’est Joseph qui en eut la garde, dieu ayant certainement d’autres chats à fouetter, d'autres Marie à engrosser, des anges à auréoler, et très peu de temps pour pouponner. Malgré qu’ils aient du s’y mettre à deux pour lui faire un enfant, et en dépit de l’accouchement, Marie était toujours vierge !! La bigote nous raconta les rois mages qui traversèrent le désert (peu crédible, mais à cette époque c’était faux mage et désert), les tours de magie du gars Jésus qui, s’il multipliait les pains et les poissons réussissait également à diviser le peuple, et ses exploits nautiques, qui feraient passer le génial Patrice Martin pour un unijambiste souffrant de cors au pied.     Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et il mourut à l’âge de 33 ans après une séance sado-maso au court de laquelle il démontra, comme pour faire chier Newton, qu’il était possible de combattre les effets de la gravité à l’aide de quelques clous bien placés.
    Après avoir écouté sa jolie, mais peu crédible histoire, et surtout après le coup du père Noël, j’expliquais à ce résidu de bénitier catéchistique, que notre univers était probablement né d’une explosion originelle ( le big bang) et que l’homme était, selon Darwin, le produit de l’évolution de plusieurs millions d’années et non pas de l’apparition abracadabrante née de la baguette magique d’un Gérard Majax à barbe blanche. Elle me considéra avec effroi, se signa par trois fois, et me désigna la porte d’un doigt pareil à un sarment de vigne. Mon premier contact avec la propagande religieuse avait tourné court. Je  promis néanmoins à ma mère d’aller jusqu’à la communion au cours de laquelle je faillis m’étouffer en avalant l’insipide  hostie. J’en conclus que dieu avait tenté de me trucider et mes rapports avec lui se brouillèrent un peu plus.
    Après sa crucifixion, le gars Jésus monta au ciel, mais décidément son dieu de père ne voulait pas d’un fils si turbulent, car, selon certaines sources, il le ressuscita aussitôt. C’est à partir de ce moment que les complications commencent, sur ce sujet, les opinions divergent. De nos jours, encore, les humains se chamaillent à coup d’explosifs et d’invectives pour tenter d’élucider ce point d’histoire non éclairci, et qui est, conviens-en, lecteur pratiquant, d’une importance vitale pour la survie de l’humanité (pas le journal, la vraie !). Là où ça se corse, pardon, c’est quand d’autres religions manifestent le droit de revendiquer le monopole divin (de messe).
    Il existe une grande quantité de religions , ce qui les décrédibilisent toutes à mes yeux, car leur grand nombre démontre qu’elles ont des origines culturelles et non ésotériques. Les trois principales, qui constituent le noyau dur des  sanguinaires et cruelles querelles divines sont : les Chrétiens, les Musulmans, les Juifs.
        -Les Chrétiens : on peut les diviser en deux catégories : les protestants qui, comme leur nom l’indique protestent, et les cathodiques qui, comme leur nom l’indique passent plus souvent à la télé. Les catholiques sont papistes ce qui n’est pas du goût des protestants, qui pour le coup, protestent. Il arrive également au pape de protester mais uniquement contre le port du préservatif et l’avortement, ce qui n’amuse que très modérément les femmes ayant souffert du plus abject des actes de barbarie , ce crime contre l’amour qu’est le viol, ou  les médecins travaillant dans certaines cliniques aux USA, prises d’assaut par des hordes de zombies en décomposition puant l’encens et vociférant des passages de la bible, sauf évidemment celui qui dit : « aimez-vous les uns les autres », et même par chez nous maintenant, t’as qu’à voir. Qu’on ne me dise pas qu’il n’y a plus de place dans les hôpitaux psychiatriques ! Les homos, on n’en parle même pas, ce ne sont que des hérétiques lubriques et pervers promis au bûcher ou aux flammes de l’Enfer, si les inquisiteurs échouent dans leur projet crématoire (je mets une majuscule à « Enfer », parce que j’aime bien, et pour faire chier les bigots de toutes les chapelles).
Si les Chrétiens, en des temps anciens servaient de repas aux lions dans des jeux du cirque proches de nos corridas imbéciles, ils évoluèrent très rapidement et, à l’instar de Cro-Magnon, découvrirent le feu et l’art de s’en servir. Giordano Bruno me le confiait encore récemment : « Il né faut pas laisser n’importé quoui zouer avé les alloumettés ! »
    -Les Musulmans. Les Musulmans ne reconnaissent pas Jésus comme étant le fils de l’Autre (c’est dire s’ils sont niais). Malgré le nombre de preuves incalculables avancées par les Chrétiens (c’est dire si elles sont vraies !), ils continuent de nier l’évident lien divin qui unit le Père, le Fils et le St Esprit.
    La légende rapporte qu’un dénommé Abdel Hûlman Sahn Zâré s’ingéniait à mettre des bâtons dans les roues des chars Chrétiens. Excédé, l’apôtre Hépoli l’interpella et lui dit cette phrase qui devait rester célèbre : «- ça t’amuse Hûlman ? »( Ceci est rigoureusement authentique, je le tiens de JC Bourret qui le tient lui-même de E.T, alors tu vois que c’est vrai !). Le terme de Musulman était né. On peut distinguer chez eux trois sortes de pratiquants :
        -Le Coran alternatif, que l’on nomme ainsi parce que ses adeptes alternent pratique religieuse et biture au whisky. Ils sont en général inoffensifs, sauf au bout de la deuxième bouteille où ils défendent leur religion avec virulence, en affirmant à qui veut l’entendre que dieu est grand et bon, surtout avec des glaçons et du coca.
          -Le Coran continu : il s’agit en général de braves gens biens ancrés dans leur croyance, que le publique assimile à tort aux terroristes fanatiques. Ils prônent le respect, l’amour des autres et pratiquent un mois dans l’année le jeûne ( ce qui ne veut pas dire qu’ils ont des tendances pédophiles !). L’origine de cette coutume remonte en des temps très anciens lorsque Mahomet entreprit de traverser le désert à la rame en compagnie de son fidèle compagnon Adam Ghâté. Au bout de quelques jours, les vivres vinrent à manquer et Adam commença à émettre quelques plaintes gastriques. Mahomet toisa alors son partenaire et lui dit : « -Tais-toi et rame Adam ! » Depuis ce temps, en hommage à ce Bombard des sables, un mois par an, les Musulmans du monde entier pratiquent cette coutume amaigrissante. Dans certains pays d’Afrique, le ramadan dure toute l’année et toute la vie, ce qui leur assure une place au paradis où ils pourront jeûner à volonté, assis à la droite de dieu, ou à sa gauche, s’il n’y a plus de place à droite, ce qui serait compréhensif vu le monde qu’il y a déjà.
            -Le Coran fort : c’est l’Islam de fond. Il s’agit d’individus extrêmement dangereux. Leur passe temps favori est de déposer de jolis pétards de préférence dans les centres commerciaux et les stations de métro. Ils sont également très actifs en Algérie et en Afghanistan où il ne fait pas bon s’opposer à leurs idées délirantes. Je ne m’étendrais pas sur eux, mes mœurs m’interdisant de m’étendre sur n’importe qui et parce qu’ensuite j’ai pas fini de payer ma voiture et qu’il me serait désagréable qu’un de ces illuminés la déguise en barbecue.
Pour terminer avec les Musulmans, rappelons qu’ils pratiquent la prière plusieurs fois par jour au grand damne de leurs genoux, les tapis n’étant pas rembourrés.
        -Les Juifs : il s’agit du peuple élu au suffrage universel divin. Si les élections se pratiquent de la même façon dans les cieux que sur Terre, les Anges  chargés du dépouillement ne devaient certainement pas être à jeun au moment  du comptage des voix. Les Juifs ne sont pas très modernes, puisqu’ils se référent à l’ancien testament, alors que depuis le nouveau a été publié. C’est comme si, de nos jours, je cherchais un numéro de téléphone dans un annuaire des années 50. Mi-grossistes, mi-fourreurs, les Juifs ne croient pas en la résurrection du Christ, les sots, ce qui ne les empêchent pas de pratiquer. Ils aiment prier en se cognant la tête sur un mur très austère nommé « mur des augmentations » (ce qui pour des Juifs me semble tout indiqué), et qui rappelle le mur de Berlin, sauf que ce dernier séparait l’est et l’ouest, alors que le mur des augmentations sépare les Juifs de leurs clients.
        Ils profitent de cette occasion pour glisser subrepticement des petits bouts de papier dans les interstices du mur, formulaires de demandes de vœux destinés à l’Eternel. Ces derniers doivent être soit très mal remplis, soit insuffisamment timbrés, puisque l’éternel ne répond que très rarement.
        Leur prophète se nomme Moïse et il reçut de la part de dieu dix commandements au sommet du mont Sinaï. Il y eut en fait un onzième commandement que Moïse laissa choir accidentellement, maladresse due au fait que dieu n’avait plus de feuille de papier sous la main, et qu’il grava ses commandements sur des pierres pesant approximativement une tonne et demi. A moins que dieu ne le fit exprès pour faire chier Moïse, car il est parfois taquin avec les Juifs ( voir la 2ème guerre mondiale). Lorsqu’il s’aperçut qu’il avait laissé choir le onzième commandement, Moïse eut cette pensée qui resta célèbre dans l’histoire du judaïsme : « On n’est pas dans la Moïse ! »
Malgré cet incident, c’est précisément ce onzième commandement qui fut le plus respecté  chez les Juifs car il disait : « Tu ne feras pas de remise de plus de 5% , sauf s’il est urgent de liquider le stock». Cette thèse fut corroborée par une étude sérieuse réalisée en Bavière en 1933 par le professeur Adolfus Hitlerovitch, qui démontra que les Juifs avaient les doigts crochus, ce qui les rendaient inaptes à sortir quoique ce soit de leur porte monnaie. Après une cure d’amaigrissement qui dura jusqu’en 1945, ils entreprirent de s’exercer au tir à balles réelles et au jet de grenades lacrymogènes, qui emplissent de larmes le regard désespéré des enfants palestiniens, mais c’est bien fait, ils n’ont qu’à pas jeter des cailloux sur les chars israéliens, ça raye la peinture, quoi merde !
        Il existe d’autres religions sur lesquelles je ne m’attarderais pas. Citons quand même les Orthodoxes qui sont un dérivé de chrétienté oriental. Je ne m’étendrais pas sur eux, vu qu’ils sont soit Russes (je mets une majuscule à « Russes » pour faire chier les américains, et je n’en mets pas à « américains » parce que je les emmerde, ces cons !) soit Grecs ( je mets une majuscule à « Grecs » parce que j’aime bien Athènes). C’est à dire, soit communiste, soit sodomite (je n’ai rien contre les homos, mais je n’ai aucune raison de m’étendre sur eux, sauf sur Adonis Tullajuscalos, un éphèbe bronzé qui foutrait des complexes à un centaure, acteur vedette du film « L’étroit mousquetaire », mais c’est une histoire d’amour qui ne regarde que lui et moi et la pharmacienne qui a vu son stock de vaseline fondre comme le compte en banque d’un rmiste au moment des fêtes). Je te rappelle la devise des Orthodoxes : « Touches pas à mon Pope ! ».
        Le Bouddhisme, qui est en plein essor chez nous, surtout depuis que son VRP le Dalaï Lama est parti en tournée, religion pleine de tolérance et d’amour, sauf pour les paysans tibétains pillés et rackettés mais tout le monde s’en fout. L’Hindouisme, religion dans laquelle les petits enfants affamés peuvent baver en contemplant à loisir les vaches sacrées. Un peu comme si, dans nos contrées, nous nous prosternions devant une blanquette de veau ou un bœuf bourguignon. Ils prétendent même se purifier en se baignant dans les eaux du gange, qui est un des plus grands nids à bactéries du monde. Ils se purifient l’âme tout en s’infectant le corps, les sots.
        Quant à moi, le seul « Je vous salue Marie » que j’accepte de réciter, c’est celui que chantait Georges Brassens, et lorsqu’on me demande :  « Quand  t’arrêteras-tu de déconner sur dieu ? », je  réponds invariablement que c’est lui qui a commencé, et qu’il n’a qu’à arrêter de boire.
    Il existe d’autres croyances, qui s’éloignent de la religion, mais pas trop quand même finalement. On croit aux fantômes(brrr !), aux superstitions, au Vaudou ( je mets une majuscule à « Vaudou » parce qu’on sait jamais, j’ai des Africains parmi mes connaissances), et aux arts divinatoires, qui sont à la science ce que le water-polo est au Sahel ( je mets une majuscule à Sahel, sinon ça me donne soif !)…

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